Le grand voyage
adoptive,
les Mamutoï, mais aussi le faible espoir de revoir le Clan et le fils qu’elle
leur avait confié. Elle vivait avec son chagrin depuis si longtemps que sa
peine s’était atténuée, mais la mort de Rydag avait réveillé ses anciennes
blessures, et lorsqu’elle comprit que la distance enterrerait à jamais son
passé, une tristesse immense l’envahit.
Elle n’avait plus de souvenir de sa petite enfance. Elle ne
connaissait pas sa mère, ni son peuple. Hormis de vagues réminiscences – des
sensations plus qu’autre chose –, elle avait oublié tout ce qui avait
précédé le tremblement de terre. Pour elle, sa vraie famille, c’était le Clan.
Mais le Clan l’avait bannie. Broud l’avait condamnée à mort, et pour tous ceux
du Clan, elle était retournée dans le monde des esprits. C’était seulement
maintenant qu’elle comprenait qu’avec la Malédiction Suprême des pans entiers
de son existence avaient disparu à jamais. Elle ne connaîtrait jamais ses
origines, ne rencontrerait jamais un ami d’enfance, et personne, pas même
Jondalar, ne comprendrait quel passé l’avait façonnée.
Les êtres chers vivraient toujours dans son cœur, et elle se
résignait à cette perte, mais elle en souffrait et se demandait ce que lui
réservait ce Voyage. Quoi que le sort lui réserve, quel que soit le peuple de
Jondalar, rien ne lui appartiendrait... que ses souvenirs... et l’avenir.
La petite clairière était plongée dans une obscurité totale.
Pas une silhouette, ni une ombre. Seuls le pâle rougeoiement des braises qui
finissaient de se consumer, et le scintillement des étoiles, trouaient le noir
absolu. Il faisait doux, Ayla et Jondalar avaient transporté leurs couvertures
de fourrure devant la tente. Ayla, que le sommeil fuyait, contemplait la coûte
étoilée, la géométrie des constellations, l’oreille à l’affût des moindres
bruits nocturnes : le bruissement du vent dans les arbres, le doux murmure
de la rivière, le coassement d’une grenouille géante, le grésillement des
grillons. Elle entendit le floc sonore d’un plongeon, le hululement d’une
chouette, et dans le lointain, le rugissement d’un lion et le barrissement
retentissant d’un mammouth.
Plus tôt, Loup avait frémi aux hurlements d’un loup, et s’était
élancé dans les sous-bois. Par la suite, Ayla avait entendu l’appel du loup et
la réponse, plus proche. Elle attendit le retour du louveteau. Il arriva,
haletant d’avoir couru, et se pelotonna à ses pieds, satisfait.
Elle venait à peine de s’assoupir qu’elle se réveilla en
sursaut. L’oreille aux aguets, elle essaya de discerner le bruit qui l’avait
tirée du sommeil. A ses pieds, la masse chaude poussa un long grognement sourd.
Puis, elle perçut un cri nasillard étouffé. On s’était introduit dans le
campement.
— Jondalar ! appela-t-elle doucement.
— Je crois que la viande a attiré un animal, chuchota
Jondalar. Ça pourrait être un ours, mais je penche plutôt pour un glouton ou
une hyène.
— Que faut-il faire ? Je ne veux pas qu’on me vole ma
viande.
— Rien, pour l’instant. Le rôdeur ne pourra peut-être pas l’attraper.
Attendons.
Mais Loup avait repéré l’intrus et n’avait nullement l’intention
d’attendre. Partout où ils plantaient leur campement, Loup s’en appropriait le
territoire et le défendait. Ayla sentit qu’il quittait sa couche, et peu après,
elle l’entendit gronder, menaçant. Le grognement qui lui répondit sembla
provenir de bien plus haut. Ayla se redressa et s’empara de sa fronde, mais
Jondalar était déjà debout, la hampe de sa sagaie engagée dans son propulseur.
— C’est un ours ! s’exclama-t-il. Il doit être dressé
sur ses pattes arrière, mais je ne distingue rien.
A mi-chemin entre l’âtre et les perches où la viande était
suspendue, des bruits de piétinements leur parvinrent, puis les grondements des
animaux prêts à s’affronter. Soudain, à l’opposé, Whinney puis Rapide hennirent
nerveusement. Tout à coup, Ayla reconnut le cri particulier de Loup passant à l’attaque.
— Loup ! appela-t-elle, anxieuse d’éviter une bataille
dangereuse. Un hurlement de douleur retentit soudain et une gerbe d’étincelles
jaillit autour d’une énorme silhouette qui trébuchait dans l’âtre. Près d’Ayla,
un objet siffla en déchirant l’air. Elle en reconnut le son, qui fut suivi d’un
cri, et aussitôt, des craquements de
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