Le grand voyage
rivière.
— Cela ne m’étonne pas. Le Peuple du Clan n’aime pas se
trouver en présence des Autres. Alors, si nous ne pouvons pas traverser le
glacier, et s’il est impossible de le contourner, que ferons-nous ?
demanda Ayla, en revenant au cœur du problème. Ne pouvons-nous attendre qu’il
soit de nouveau praticable ?
— Si, bien sûr. Mais l’hiver ne reviendra pas avant un an.
— Si nous attendons un an, pourrons-nous sûrement
traverser ? Et y a-t-il un endroit où nous installer jusqu’à ce
moment-là ?
— Oui. Nous pourrions rester avec les Losadunaï, ils ont
toujours été amicaux. Mais j’ai hâte d’être chez moi, Ayla ! s’écria
Jondalar d’une voix si tendue qu’Ayla comprit à quel point c’était important
pour lui. Hâte que nous soyons établis dans mon pays !
— Moi aussi, Jondalar. Nous devons tout faire pour
atteindre le glacier à temps. Mais si nous y arrivons trop tard, cela ne
remettra pas en cause nos projets. Nous serons retardés, mais nous serons
toujours ensemble.
— Tu as raison, convint Jondalar, réticent. Un retard ne
serait pas si néfaste, mais je ne veux pas attendre une année entière. Si nous
avions pris l’autre chemin, nous serions peut-être arrivés plus vite. Il n’est
pas trop tard, d’ailleurs.
Il y a un autre chemin ?
Oui. Talut m’a dit que nous pourrions contourner la prochaine
chaîne de montagnes par le nord. Et Rutan, du Camp des Fougères, m’a assuré que
nous rencontrerions la route au nord-ouest de l’endroit où nous sommes. J’avais
pensé suivre leurs conseils, mais je voulais revoir les Sharamudoï une dernière
fois. L’occasion ne se représentera plus, j’en ai peur. Ils vivent vers la
pointe sud des montagnes, au bord de la Grande Rivière Mère.
Pensive, Ayla hocha la tête. Elle comprenait, maintenant.
— Les Sharamudoï sont ceux avec qui tu as vécu, n’est-ce
pas ? s’enquit-elle. Ton frère a été uni avec une de leurs femmes, c’est
bien ça ?
— Oui. Ils sont comme une famille pour moi.
— Dans ce cas, allons par le sud pour que tu puisses leur
rendre une dernière visite. Tu les aimes. Et si nous arrivons trop tard au
glacier, tant pis. Nous patienterons jusqu’à l’année prochaine. C’est ta
deuxième famille, Jondalar, ce n’est pas du temps perdu. Tu veux rentrer chez
toi pour raconter à ta mère l’histoire de ton frère, alors ne penses-tu pas que
les Sharamudoï voudraient savoir ce qui lui est arrivé ? Il faisait aussi
partie de leur famille !
Jondalar parut perplexe, puis son visage s’éclaira.
— Tu as raison, décida-t-il. Ils ont le droit de savoir. Je
me demandais si j’avais pris la bonne décision, en fait, je n’avais pas exploré
toutes les possibilités.
Soulagé, il sourit. Il contempla les flammes danser au-dessus
des bûches noircies. Elles s’élançaient, sautillantes et éphémères, à l’assaut
de l’obscurité environnante. Il but quelques gorgées d’infusion en songeant au
long Voyage qui les attendait, mais son anxiété avait disparu.
— C’était une bonne idée d’en parler, dit-il à Ayla en la
regardant dans les yeux. Je n’ai pas encore l’habitude de... de me confier, tu
sais. De plus, je crois que nous arriverons tout de même à temps, sinon je n’aurais
jamais envisagé cette solution. Le Voyage sera plus long, mais au moins la
route m’est-elle familière, alors que celle du nord m’est inconnue.
— Je crois que ta décision est la bonne, Jondalar. Moi-même
si je n’avais pas été bannie, je rendrais visite au Clan de Broud. Ah, si
seulement je pouvais ! ajouta-t-elle dans un murmure à peine audible. J’irais
voir Durc une dernière fois.
La tristesse de sa voix fit comprendre à Jondalar avec quelle
acuité elle ressentait la perte de son fils.
— Ayla, veux-tu essayer de le retrouver ?
— Bien sûr que je le veux ! S’exclama-t-elle. Mais c’est
impossible, cela jetterait le désarroi parmi ceux que j’aime. Ils m’ont maudite
et s’ils me revoient ils me prendront pour un esprit maléfique. Pour eux, je
suis morte. Rien de ce que je pourrais faire ou dire ne les convaincrait du
contraire. (Son regard se fit vague à l’évocation de souvenirs anciens.) En
outre, Durc n’est plus le bébé que j’ai laissé derrière moi. Il approche de l’âge
d’homme. Moi-même, je n’étais pas précoce pour une femme du Clan, et mon fils
est peut-être à son tour à la traîne des
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