Le grand voyage
c’est ?
Dans un panier d’osier où elle rangeait divers bols et
ustensiles, elle puisa deux petits filtres à infusion en roseau tressé finement
comme un filet. Après réflexion, elle choisit pour Jondalar un mélange de
feuilles séchées de matricaire, d’ancolie, et de camomille, et en remplit un
des filtres. Elle remplit l’autre pour elle-même avec de la camomille
seulement.
— Tout ce qui te préoccupe me concerne aussi, reprit-elle.
Nous voyageons ensemble, non ?
— Oui, mais c’est à moi de prendre les décisions, et je ne
veux pas t’inquiéter inutilement, expliqua Jondalar.
Il se leva pour aller chercher l’outre d’eau, suspendue à un
piquet à l’entrée de la tente, loin du feu. Il versa de l’eau dans un petit
récipient et ajouta des pierres chaudes.
— Utile ou pas, tu as réussi à m’inquiéter. Alors, pourquoi
ne pas me dire ce qui ne va pas ?
Elle plaça chaque filtre dans un bol en bois, versa l’eau
frissonnante, et laissa infuser.
Jondalar saisit la tablette gravée dans une défense de mammouth
et l’examina attentivement, espérant qu’elle lui révélerait ce qui les
attendait et l’aiderait à prendre la bonne décision. Lorsqu’il voyageait avec
son frère, les erreurs avaient moins d’importance. Le Voyage était une
aventure, et les impondérables faisaient partie du jeu. A l’époque, il ne
savait pas s’ils reviendraient un jour ; il ne savait même pas s’il le
souhaitait. La femme qu’il n’avait pas le droit d’aimer avait choisi une voie
qui menait encore plus loin et celle avec qui il était censé s’unir... n’était
pas celle qu’il désirait. Mais ce Voyage-ci n’avait pas les mêmes enjeux. Cette
fois, il voulait ramener saine et sauve chez les siens la femme qu’il aimait
plus que tout au monde. Et plus il pensait aux dangers qui les guettaient, plus
il imaginait le pire. Mais ses vagues pressentiments n’étaient pas faciles à
expliquer.
— J’ignore combien de temps ce Voyage va durer, et cela m’inquiète.
Nous devons absolument atteindre le glacier avant la fin de l’hiver.
— Oui, tu me l’as déjà dit. Mais pourquoi ? Que se
passera-t-il si nous n’arrivons pas à temps ?
— Au printemps, la glace commence à fondre et la traversée
devient trop dangereuse.
— Bon, eh bien, si c’est trop dangereux, nous ne
traverserons pas. Mais dans ce cas, que faire ? demanda-t-elle en le
forçant à envisager les alternatives qu’il avait refusé d’examiner. Y a-t-il un
autre passage ?
— Je ne sais pas. Le glacier que nous devons franchir n’est
qu’un petit plateau au nord des grandes montagnes. Il y a d’autres terres plus
au nord, mais personne ne s’y aventure jamais et cela nous écarterait de notre
route. On dit qu’elles sont bordées par le Grand Glacier du Septentrion. Les
terres qui s’étendent entre les hautes montagnes du sud et le Grand Glacier
sont les plus froides de toutes. Elles ne se réchauffent jamais, même en été.
— Et il ne fait pas froid sur le glacier que tu veux
traverser ?
— Si, bien sûr. Mais le trajet est court. Et de l’autre
côté, nous ne serons plus qu’à quelques jours de la Caverne de Dalanar.
Jondalar reposa la carte, prit le bol qu’Ayla lui tendait, et se
perdit dans la contemplation du liquide brûlant.
— J’imagine que nous pourrions contourner le glacier par le
nord s’il le fallait. Mais je préfère l’éviter. De plus, c’est un territoire de
Têtes Plates.
— Ceux du Clan vivent donc au nord du glacier que nous
allons franchir ?
Ayla retira le filtre de son bol. Elle était partagée entre l’enthousiasme
et la crainte.
— Oh, pardonne-moi, Ayla. Je devrais sans doute les nommer
le Peuple du Clan, mais ce ne sont pas ceux que tu connais. Ils vivent loin d’ici,
tellement loin ! Ce ne sont pas les mêmes du tout.
— Mais bien sûr que si ! protesta Ayla. (Elle but une
gorgée du breuvage parfumé.) Ils ont peut-être un langage et des habitudes un
peu différents, mais tous ceux du Clan ont en commun les mêmes souvenirs, au
moins pour les plus anciens. Au Rassemblement du Clan, tout le monde
connaissait le langage archaïque des signes qu’on utilise pour s’adresser au
monde des esprits, et communiquait de cette façon.
— Jamais ils ne nous laisseront pénétrer sur leur
territoire. Ils nous l’ont fait comprendre quand Thonolan et moi nous sommes
retrouvés du mauvais côté de la
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