Le grand voyage
branches qu’un animal cassait dans sa
fuite. Ayla siffla Loup. Elle ne voulait pas qu’il se lance à sa poursuite.
Obéissant, le louveteau accourut et elle s’accroupit pour le
caresser, soulagée. Jondalar arrangeait le feu, et à la lueur des flammes, il
découvrit les traces de sang laissées par le fuyard.
— Je suis sûr que ma sagaie l’a touché, affirma-t-il. Mais
je n’ai pas pu voir où je visais. J’attendrai qu’il fasse jour pour suivre sa
piste. Un ours blessé est souvent dangereux, et je ne sais pas qui va utiliser
ce campement après nous.
— On dirait qu’il a perdu beaucoup ce sang, déclara Ayla,
venue observer les traces. Il n’ira sans doute pas loin. J’avais peur pour
Loup. C’était un animal énorme, et il aurait pu le blesser gravement.
— Loup n’aurait jamais dû l’attaquer, l’ours risquait de se
retourner contre nous. Mais sa bravoure pour nous protéger m’a fait plaisir. Je
me demande comment il réagirait si on te menaçait vraiment.
— Je ne sais pas. Whinney et Rapide ont eu très peur de l’ours,
je vais voir comment ils vont.
Jondalar, inquiet lui aussi, la suivit. Les chevaux s’étaient
rapprochés du feu. Whinney avait appris depuis longtemps que le feu des hommes signifiait
la sécurité, et à son contact, Rapide l’apprenait à son tour. Après quelques
paroles apaisantes et autant de caresses, les chevaux se calmèrent, mais Ayla n’était
pas rassurée et elle savait qu’elle aurait du mal à s’endormir. Elle décida de
se préparer une infusion calmante et alla quérir à l’intérieur de la tente son
sac en peau de loutre.
Pendant que les pierres chauffaient, elle caressait la fourrure
du vieux sac qui lui rappelait tant de souvenirs : le jour où Iza le lui
avait donné, sa vie avec le Clan, la Malédiction Suprême. Pourquoi Creb
était-il retourné dans la caverne ? Il était peut-être toujours en vie,
même s’il était vieux et fatigué. Pourtant, il n’était pas fatigué lorsqu’il
avait intronisé Goov la nuit précédente. Il incarnait la puissance, cette
nuit-là, c’était lui le mog-ur, comme autrefois. Goov ne sera jamais aussi fort
que Creb.
Jondalar remarqua son air absent. Il crut qu’elle pensait encore
à la mort de l’enfant et au fils qu’elle ne reverrait plus, et il ne savait pas
quoi lui dire. Désireux de l’aider, il craignait toutefois de la déranger.
Assis côte à côte près du feu, ils buvaient leur breuvage en silence quand Ayla
leva les yeux par hasard. Ce qu’elle vit lui coupa le souffle.
— Regarde, Jondalar ! s’écria-t-elle. Regarde le
ciel ! Il est tout rouge, on dirait un feu, mais un feu dans le ciel et
loin, loin. Qu’est-ce que c’est ?
— C’est le Feu de Glace ! C’est ainsi que nous l’appelons
quand il est aussi rouge. On dit aussi : les Feux du Nord.
Ils observèrent le spectacle des lumières nordiques décrivant un
arc sinueux dans le ciel comme un voile arachnéen gonflé par un vent cosmique.
— On voit des bandes blanches ! s’extasia Ayla. Et ça
bouge, comme des volutes de fumée, ou des vagues d’eau blanchies par le
calcaire. Il y a aussi d’autres couleurs.
— Lorsqu’elle est blanche, on l’appelle Fumée d’Etoiles, ou
Nuages d’Etoiles. On lui donne encore plusieurs noms, mais tout le monde
comprend quand tu utilises l’un de ceux-là.
— Pourquoi n’ai-je jamais vu une telle lumière auparavant ?
demanda Ayla avec un émerveillement mêlé de frayeur.
— Tu vivais trop au sud. C’est pourquoi on la nomme, entre
autres, Feux du Nord. Je ne l’ai pas souvent vue et jamais si ample, ni aussi
éclatante, mais ceux qui ont voyagé dans ces régions prétendent que plus on
remonte vers le nord, plus ce phénomène est fréquent.
— Mais le mur de glace empêche d’aller plus au nord.
— Non, tu peux contourner le glacier par l’eau. A l’ouest
de là où je suis né, à quelques jours de marche suivant la saison, la terre s’arrête
au bord des Grandes Eaux. Elles sont très salées et elles ne gèlent jamais,
bien qu’on y ait parfois vu des blocs de glace. On raconte que des hommes ont
été au-delà du mur de glace en bateau pour chasser les animaux qui vivent dans
l’eau.
— Des bateaux ? Comme ceux qu’utilisent les Mamutoï
pour traverser les rivières ?
— Oui, je crois, mais plus grands et plus solides. Je n’en
ai jamais vu, et je ne croyais pas à ces histoires avant de rencontrer
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