Le grand voyage
faire cela ! On ne peut pas les abandonner
ici ! Pas question !
— Tu as raison, nous ne pouvons pas les laisser comme ça.
Ce ne serait pas juste. Ils souffriraient trop... mais... mais nous avons des
sagaies, et des propulseurs...
— Non ! Non, Jondalar ! hurla Ayla. Non, je ne te
laisserai pas faire.
— C’est mieux que de les abandonner à une mort lente, à des
souffrances inutiles. Ce n’est pas comme si on n’avait jamais... chassé les
chevaux. Tout le monde les tue.
— Whinney et Rapide ne sont pas des chevaux ordinaires. Ce
sont nos amis. Nous avons vécu tant de choses ensemble. Ils nous ont aidés,
Whinney m’a sauvé la vie. Je ne peux pas l’abandonner.
— Ça ne m’amuse pas plus que toi, assura Jondalar. Mais que
faire d’autre ?
L’idée de tuer l’étalon qui avait été son compagnon de voyage
pendant si longtemps le révulsait, et il comprenait la réaction d’Ayla.
— Faisons demi-tour, proposa-t-elle. Rebroussons chemin, tu
disais qu’il y avait une autre route.
— Voilà deux jours que nous marchons sur ce glacier et les
chevaux sont presque estropiés. Nous pouvons revenir en arrière, Ayla, mais je
ne sais pas si les chevaux y arriveront.
Il ignorait également si Loup y parviendrait, et le remords l’accablait.
— Je suis navré, Ayla. C’est de ma faute. J’ai été stupide
de croire qu’on pouvait traverser le glacier avec les chevaux. Nous aurions dû
prendre l’autre chemin, mais c’est trop tard à présent.
Ayla surprit des larmes dans les yeux de son compagnon. Elle ne
l’avait jamais vu pleurer. Les Autres pleuraient parfois, mais Jondalar
préférait cacher ses émotions. D’une certaine manière, cela renforçait l’amour
qu’il portait à Ayla. Il ne se livrait que devant elle, et elle ne l’en aimait
que davantage, mais elle refusait d’abandonner Whinney. La jument était sa
meilleure amie, la seule qui l’avait soutenue dans la vallée, avant l’arrivée
de Jondalar.
— Il faut trouver une solution, hoqueta-t-elle en pleurant.
— Oui, mais laquelle ?
Il ne s’était jamais senti aussi malheureux, aussi frustré
devant son impuissance.
— Bon, en attendant, je vais soigner leur plaies, dit Ayla
en essuyant les larmes qui gelaient sur sa figure. Il faut un bon feu, assez
chaud pour faire bouillir de l’eau.
Elle prit la peau de mammouth et l’étendit sur la glace.
Quelques traces de roussi n’avaient pas endommagé l’épais cuir robuste. Elle
déposa les rocs près du centre pour y bâtir le foyer, S’ils n’avaient plus à
économiser les pierres qui brûlent, ils pourraient les abandonner.
Ayla était incapable de parler, et Jondalar n’avait rien à dire.
Les mots semblaient inutiles et dérisoires. Tant de préparatifs, de calculs,
pour être confrontés à un problème qu’ils n’avaient même pas envisagé. Ayla
regardait le feu d’un air absent. Loup, sentant son désarroi, rampa à ses côtés
et gémit doucement. Ayla examina de nouveau ses plaies. Elles n’étaient pas
aussi graves que celles des chevaux. Il faisait davantage attention où il
posait ses pattes, et il léchait soigneusement la glace collée à chaque arrêt.
L’idée de le perdre bouleversait Ayla.
Elle n’avait pas oublié Durc bien qu’elle n’y pensât pas
consciemment. Il restait dans sa mémoire comme une douleur inextinguible. Elle
se surprit à se demander ce qu’il devenait. A-t-il commencé à chasser avec le
Clan ? Se sert-il de la fronde ? Uba doit être une bonne mère pour
lui. Je suis sûre qu’elle le soigne bien, qu’elle lui prépare à manger et lui
fabrique de bons vêtements chauds.
En pensant au froid, Ayla frissonna. Elle se rappela alors les
habits qu’Iza lui fabriquait. Elle adorait le bonnet en peau de lapin avec la
fourrure à l’intérieur. Pour les protège-pieds d’hiver aussi, la fourrure était
à l’intérieur. Elle se voyait encore folâtrer avec une paire neuve aux pieds et
le modèle assez simple des protège-pieds lui revint en mémoire. C’est une pièce
de cuir rassemblée autour de la jambe et attachée à la cheville. Au début, ils
n’étaient pas très pratiques, mais à l’usage le cuir se moulait au pied.
Ayla fixait toujours le feu, surveillant l’eau qui commençait à
frémir. Quelque chose la tracassait. Quelque chose d’important... à propos
des...
— Jondalar ! haleta-t-elle, en proie à une agitation
intense. Oh, Jondalar !
— Qu’y
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