Le grand voyage
haleine gelait sur la fourrure de leur
capuche, autour de la bouche. Une goutte d’eau qui coulait d’un bol gelait
avant d’atteindre le sol. Leur visage exposé aux vents vifs et au soleil ardent
se craquelait, pelait et noircissait. Les gelures menaçaient en permanence.
La tension accumulée commençait à se faire sentir. Leurs
réflexes devenaient plus lents, leur jugement s’obscurcissait. Une tempête
commencée dans l’après-midi s’était poursuivie toute la nuit. Au matin,
Jondalar était pressé de partir. Ils avaient déjà perdu trop de temps. Dans ce
froid polaire, l’eau était plus longue à chauffer et leur réserve de pierres
qui brûlent diminuait dramatiquement.
Ayla fouillait son sac. Elle se mit ensuite à fureter dans sa
fourrure de couchage et autour de la couche. Elle ne se souvenait pas depuis
combien de temps ils étaient sur ce maudit glacier, mais elle en avait plus qu’assez.
— Dépêche-toi, Ayla ! Qu’est-ce qui te retarde ?
aboya Jondalar.
— Je ne trouve pas mes protège-yeux.
— Je t’avais bien dit d’y faire attention. Tu veux vraiment
devenir aveugle ? explosa-t-il.
— Bien sûr que non. Pourquoi crois-tu que je les
cherche ? rétorqua Ayla.
Jondalar empoigna la fourrure d’Ayla et la secoua d’un geste
brusque. Les caches en bois tombèrent au sol.
— Fais attention où tu les mets, à l’avenir, fit-il. Allez,
il est temps de partir.
Ils rangèrent leurs affaires à la hâte, mais Ayla boudait et n’adressa
plus la parole à Jondalar. Il vint vérifier les lanières comme d’habitude, mais
Ayla empoigna la longe de Whinney et s’en alla avant que Jondalar puisse
examiner son fardeau.
— Comme si je ne savais pas charger ma jument toute
seule ! lança-t-elle par-dessus son épaule. Je croyais que tu étais
pressé, qu’est-ce que tu attends ?
Il voulait vérifier par simple prudence, maugréait Jondalar. Elle
ne connaissait même pas la route. Attendez un peu qu’elle tourne en rond !
Elle viendrait lui demander de passer devant dans pas longtemps. Sur ce, il lui
emboîta le pas.
Ayla avait froid. La marche l’épuisait. Elle avançait sans
regarder où elle mettait les pieds. Ah, il voulait qu’on se dépêche, eh bien,
on allait se dépêcher ! rageait-elle. S’ils avaient la chance de s’en
sortir, elle espérait bien ne plus jamais revoir de glacier de sa vie.
Loup courait nerveusement d’Ayla, qui ouvrait la marche, à Jondalar,
loin derrière. D’habitude, Jondalar était devant, et l’inversion des rôles le
perturbait. Loup dépassa la jeune femme en colère qui se traînait, la tête
ailleurs, en pestant contre le froid. Soudain, Loup s’arrêta devant Ayla, lui
bouchant le chemin.
Menant toujours Whinney par la longe, Ayla évita le loup. Il se
précipita au-devant d’elle, et s’arrêta encore d’un air décidé. Elle l’ignora.
Il la suivit quelque temps en lui donnant des petits coups de museau, mais elle
le chassa. Il courut encore devant Ayla, s’assit et hurla pour attirer son
attention. Elle le dépassa sans le voir. Il courut vers Jondalar, aboya,
cabriola, couina, fit quelques bonds en direction d’Ayla, mais revint au-devant
de l’homme.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Jondalar qui avait
enfin remarqué l’agitation du loup.
Un bruit terrifiant, un bruit étouffé lui répondit. Jondalar
leva la tête et aperçut avec horreur des gerbes de neige poudreuse jaillir du
sol.
— Oh, non ! s’écria-t-il d’une voix angoissée. Non,
pas ça !
Il se précipita. Quand la neige fut retombée, il vit Loup au
bord d’une crevasse béante. Le jeune animal pointa son museau vers le ciel et
poussa un long hurlement plaintif.
Jondalar se jeta à plat ventre et scruta le gouffre par-dessus
le rebord.
— Ayla, cria-t-il, désespéré. Ayla !
Son ventre se noua. Il savait bien que c’était inutile, elle ne
l’entendait plus. Elle gisait au fond de la crevasse, morte.
— Jondalar ?
Une petite voix terrorisée lui parvint de très loin.
— Ayla ? demanda-t-il sans y croire.
Loin en dessous, debout sur une étroite corniche qui courait le
long du mur de glace, Ayla jetait des regards implorants.
— Ayla, ne bouge surtout pas ! ordonna-t-il. Ne fais
pas un geste, la glace pourrait céder.
Elle était vivante ! C’était incroyable ! Un miracle !
Mais comment allait-il la sortir de là ?
Dans le gouffre de glace, Ayla s’appuyait contre le mur, et
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