Le grand voyage
anguleux. Les conditions étaient partout identiques, en aval comme en
amont. Finalement, ils décidèrent de traverser là où il y avait le moins de
rochers.
Ils descendirent de leur monture, attachèrent les paniers sur la
ligne de croupe des chevaux, et y rangèrent les vêtements chauds qu’ils avaient
enfilés pour se protéger de la fraîcheur matinale. Jondalar ôta sa tunique sans
manches, et Ayla faillit se dévêtir entièrement, mais après avoir testé la
température de l’eau elle changea d’avis. Elle était certes habituée à l’eau
froide, mais avec ce fort courant, celle-ci était aussi glacée que l’eau qu’elle
avait laissée dehors la nuit précédente, et qu’elle avait retrouvée au petit matin
recouverte d’une pellicule de glace. Même mouillées, sa tunique et ses
jambières en peau de daim la réchaufferaient.
Les chevaux piaffaient, caracolaient, et secouaient la tête en
hennissant. Ayla ajusta le licol de Whinney pour l’aider à traverser. Sentant
alors la tension grandissante de la jument, elle flatta son encolure aux poils
rudes et lui murmura des paroles apaisantes dans la langue qu’elle avait
inventée lorsqu’elles vivaient ensemble dans la vallée.
Elle l’avait inventée inconsciemment, améliorant sans cesse la
complexité des signes. Bâtie sur les rares mots du langage du Clan, elle y
avait ajouté au fur et à mesure des onomatopées qu’elle utilisait avec son fils
et auxquelles elle avait assigné un sens, mais aussi des sons inspirés de ceux des
chevaux, d’occasionnels grognements de lion et même des gazouillis d’oiseaux.
Habitué au dialogue entre la jeune femme et sa jument, Jondalar
n’avait pourtant pas la moindre idée de son contenu. Ayla possédait ce don
étrange d’imiter les bruits d’animaux – don qu’elle avait exercé
quand elle vivait seule, avant qu’il ne lui eût appris à parler oralement – et
Jondalar trouvait ces sons insolites, comme venus d’un autre monde.
Rapide frappa du devant et branla la tête, hennissant de
nervosité. Jondalar lui parla avec douceur tout en le caressant et en lui
grattant le flanc. Ayla observa l’effet quasi immédiat des cajoleries de son
compagnon sur le cheval ombrageux. La confiance qui s’était instaurée entre
Jondalar et le jeune étalon la ravit. La douceur de ses mains lui rappela
soudain les caresses qui la troublaient tant et elle rougit. Ce n’était certes
pas l’apaisement que lui apportait Jondalar lorsqu’il la touchait.
Les chevaux n’étaient pas les seuls à s’inquiéter. Loup savait
ce qui se préparait et n’appréciait guère la perspective d’un bain glacé. Il
allait et venait le long de la rivière en couinant. Il finit par s’asseoir,
rejeta la tête en arrière et poussa un long hurlement plaintif.
— Allons, Loup ! fit Ayla qui s’accroupit à côté du
jeune animal pour l’apaiser. Tu as peur, toi aussi ?
— Est-ce qu’il va encore nous embêter pour traverser ?
demanda Jondalar, toujours fâché du traitement que Loup avait infligé à Rapide.
— Je ne m’en fais pas pour ça. Il est seulement un peu
nerveux, comme les chevaux.
Ayla était surprise que la peur compréhensible de Loup pût
exaspérer Jondalar, pourtant si patient avec Rapide.
Certes la rivière était froide, mais les chevaux étaient des
nageurs puissants. Une fois dans l’eau, ils n’eurent aucune difficulté à atteindre
la rive opposée en guidant les deux humains autant que ceux-ci les guidaient.
Même Loup traversa facilement. D’abord il fit quelques bonds sur la rive et
couina en entrant dans l’eau. Il recula, avança plusieurs fois et s’élança
finalement avec bravoure. Le museau hors de l’eau, il se mit à nager vers les
humains et les chevaux chargés de paquets et de paniers.
Sur l’autre rive, Ayla et Jondalar se changèrent et essuyèrent
les animaux avant de reprendre leur route. Ayla se souvenait des précédentes
traversées qu’elle avait dû faire seule après avoir quitté le Clan, et elle
remercia les robustes chevaux. Franchir un cours d’eau n’était jamais chose
facile, et à pied on ne pouvait éviter de se mouiller. Avec leur monture, ils
traversaient de petites rivières au prix de quelques éclaboussures seulement,
et les rivières plus larges devenaient faciles à franchir.
Au fur et à mesure qu’ils avançaient vers le sud-ouest, le
terrain changeait. A l’approche des montagnes de l’ouest, les collines
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