Le grand voyage
faucon, le gerfaut, la corneille et le
hibou attrapaient de petites proies inattentives ou malchanceuses, alors que
les vautours et les milans noirs nettoyaient les carcasses abandonnées.
La grande variété et la taille exceptionnelle des animaux vivant
dans ces steppes, la profusion et la démesure de leurs ornements, ne pouvaient
être le fruit que d’un environnement d’une remarquable qualité. Pourtant, c’était
une terre exigeante, glaciale et desséchée, entourée d’une barrière de hautes
montagnes de glace et de rudes océans d’eau gelée. Il semblait contradictoire
que des conditions si difficiles puissent procurer la richesse nécessaire au
développement démesuré de la faune, mais elles étaient en fait extrêmement
appropriées. Le climat sec et froid stimulait la croissance de l’herbe et
empêchait les arbres de pousser.
Les arbres, tels que chênes ou conifères, poussaient facilement,
mais ils exigeaient du temps et beaucoup d’humidité. Certes, les forêts
nourrissaient et protégeaient quantité de plantes et d’animaux, mais les arbres
nécessitaient des ressources importantes pour croître et ils ne favorisaient
pas le développement des grands mammifères. Quelques animaux mangeaient des
noix ou des fruits, d’autres broutaient les feuilles ou même les brindilles,
mais l’écorce et le bois étaient peu comestibles et mettaient du temps à
repousser. La même énergie et la même substance nutritive au service de l’herbe
nourrissait davantage d’espèces, et l’herbe se renouvelait constamment.
Peut-être la forêt représentait-elle la quintessence de la vie végétale, mais c’était
l’herbe qui avait permis ce développement extraordinaire de la faune et c’étaient
les prairies qui avaient assuré sa subsistance.
Sans savoir pourquoi, Ayla était mal à l’aise. Rien de
précis, une crispation désagréable. Avant de descendre la colline, ils avaient
observé les nuages menaçants s’amonceler au-dessus des montagnes occidentales,
ils avaient vu les éclairs zébrer le ciel et entendu au loin les roulements de
tonnerre. Pourtant, au-dessus d’eux, le ciel était dégagé et le soleil encore
haut, bien qu’il eût dépassé le zénith. Il ne pleuvrait pas mais Ayla n’aimait
pas le tonnerre dont le grondement lui rappelait les tremblements de terre.
C’est peut-être parce que ma période lunaire va bientôt
commencer, pensa-t-elle pour se rassurer. Je ferais bien de préparer ma bande
de peau, et la laine de mouflon que m’a donnée Nezzie. Elle disait que c’était
la protection idéale en voyage, et c’est vrai. Il suffit de la laver à l’eau
froide pour faire disparaître toute trace de sang.
Ayla n’avait encore jamais vu d’onagres, et toute à ses pensées,
elle ne prêta pas attention à ceux qui descendaient la colline. De loin, elle
crut que c’étaient des chevaux. Mais lorsqu’ils approchèrent, elle remarqua
certaines différences. Ils étaient plus petits, avec des oreilles plus longues,
et leur queue assez courte n’était pas faite de longs crins flottant au vent,
mais du même poil que la robe et se terminait par une touffe plus foncée. Comme
celle du cheval, la crinière de l’onagre était raide mais plus touffue et
inégale. La robe était d’un marron tirant sur le roux sur le dos et les flancs,
et d’une couleur plus pâle, presque blanche, sur le ventre et même sur le
chanfrein et les pattes. Une bande de couleur plus foncée suivait leur colonne
vertébrale, une autre les épaules, et des bandes plus sombres zébraient leurs
pattes.
Ayla ne put s’empêcher de les comparer aux chevaux qui, comme
Whinney, avaient une robe jaune, couleur de foin. Celle de Rapide, marron
foncé, était rare. Le gris foncé de l’épaisse crinière de la jument se prolongeait
jusqu’à sa queue. Ses fanons étaient presque noirs, et le haut des jambes
présentait de légères zébrures rappelant vaguement celles de l’onagre. L’étalon
bai était d’une couleur trop sombre pour qu’on pût distinguer la rayure qui
courait le long de sa colonne vertébrale, mais sa crinière, sa queue, ses
jambes, toutes noires, obéissaient au même principe.
Pour qui connaissait les chevaux, il était évident que ces
animaux n’en étaient pas. Ayla s’aperçut que Whinney s’intéressait d’une façon
inaccoutumée au troupeau qui s’était arrêté pour brouter et venait de remarquer
leur présence. Loup était captivé, lui aussi. En
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