Le grand voyage
préférences chez ton peuple ?
Les femmes du Clan veulent toujours des garçons.
— Non, je ne crois pas. Je pense que les hommes veulent qu’une
femme apporte des fils dans leur foyer, mais il me semble que les femmes
préfèrent avoir d’abord des filles.
— Et toi, que voudras-tu ?
Il la considéra avec attention. Quelque chose paraissait la
contrarier.
— Ayla, ça m’est égal. Ce que tu voudras, ou plutôt, ce que
la Mère décidera de te donner.
A son tour, Ayla étudiait Jondalar. Elle voulait être certaine
de sa sincérité.
— Dans ce cas, je crois que je préférerais une fille. Je ne
veux plus perdre d’enfant.
Jondalar n’était pas sûr de la comprendre et ne savait pas quoi
répondre.
— Mais je ne veux pas que tu perdes d’enfant, Ayla ! s’exclama-t-il.
Ayla reprit son ouvrage, et tous deux gardèrent le silence.
— Et si tu avais raison ? demanda soudain Jondalar. Si
les enfants n’étaient pas délivrés par Doni ? S’ils étaient le fruit des
Plaisirs partagés ? Mais... alors, tu pourrais avoir un bébé dans ton
ventre, là, tout de suite, et tu n’en saurais rien !
— Non, Jondalar. Je ne crois pas. Je sens que ma période
lunaire approche et tu sais bien que ça signifie qu’aucun bébé n’est en route.
Elle n’aimait pas aborder des sujets aussi intimes avec un homme, mais Jondalar
n’avait pas le dégoût d’elle à ces moments-là, à l’inverse de ceux du Clan. Une
femme du Clan devait absolument éviter de regarder les hommes quand elle était
impure. Mais la promiscuité du Voyage empêchait Ayla de vivre à part, et d’éviter
Jondalar, quand bien même elle l’aurait voulu. Ayla comprit qu’il avait besoin
d’être rassuré et elle hésita à lui parler de la médecine d’Iza qu’elle prenait
pour combattre les grossesses. Pas plus qu’Iza, Ayla ne savait mentir. Mais à
moins d’être questionnée directement, elle pouvait se taire. Et si elle n’en
parlait pas la première, les chances qu’on lui demande si elle connaissait un
moyen de ne pas être enceinte étaient minimes. Personne n’imaginait qu’une magie
aussi puissante existât.
— Tu en es sûre ? demanda Jondalar.
— Oui. Je ne suis pas enceinte, aucun bébé ne pousse dans
mon ventre, assura-t-elle, au grand soulagement de Jondalar.
Ayla terminait le tressage des chapeaux quand elle sentit
quelques gouttes de pluie. Elle se hâta de finir son ouvrage, et ils rentrèrent
toutes leurs affaires à l’intérieur de la tente, sauf le parflèche suspendu au
trépied. Loup les suivit, heureux de se blottir aux pieds d’Ayla. Elle n’attacha
pas le rabat inférieur de la tente pour qu’il puisse sortir, mais ils fermèrent
celui du trou d’aération quand la pluie s’intensifia. Ils se couchèrent,
tendrement enlacés, mais se retournèrent ensuite chacun de leur côté sans
trouver le sommeil.
Le corps douloureux, Ayla se sentait nerveuse, mais elle s’efforçait
de bouger le moins possible pour ne pas déranger Jondalar. Elle se concentra
sur le crépitement de la pluie, mais le rythme régulier des gouttelettes sur la
paroi de la tente ne la berça pas comme d’habitude. Elle finit par souhaiter qu’il
fît jour pour pouvoir sortir.
Rassuré que Doni n’eût pas béni Ayla, Jondalar recommençait
cependant à se poser des questions. Incapable de dormir, il se demandait si son
esprit, ou la substance que Doni prélevait, étaient assez puissants ? Si la
Mère lui avait pardonné ses incartades de jeunesse et permettrait qu’une femme
enfante grâce à lui ?
Mais peut-être était-ce à cause d’Ayla. Elle prétendait vouloir
un enfant. Mais ils étaient tout le temps ensemble et elle n’était pas
enceinte. Alors peut-être ne pouvait-elle plus avoir d’enfant, tout
simplement ? Serenio, non plus, n’en avait jamais eu d’autres... à moins
qu’elle n’en attendît un après qu’il l’eut quitté... Étendu sur sa couche, les
yeux grands ouverts, il écoutait tomber la pluie en se demandant combien des
femmes qu’il avait connues avaient mis un enfant au monde, et combien d’enfants
aux yeux bleus...
Ayla grimpait, grimpait un mur de pierres, abrupt comme
le sentier qui menait à la caverne de sa vallée, mais l’escalade était plus longue,
et elle était pressée. Elle se retourna pour regarder la petite rivière qui
décrivait une courbe, mais ce n’était pas une rivière. C’était une chute d’eau
qui cascadait au-dessus
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