Le grand voyage
avait peu navigué. Lorsqu’il
vivait parmi les Sharamudoï, il était devenu assez adroit à manœuvrer leurs
bateaux effilés aux lignes pures, mais quand il avait essayé de diriger les
barques rondes des Mamutoï, il les avait trouvées très peu maniables. Elles
flottaient bien, ne se retournaient pas facilement, mais elles étaient
difficiles à contrôler.
Les deux peuples n’avaient pas seulement différents types de
matériau à leur disposition, ils utilisaient aussi leurs canots dans des buts
différents. Pour les Mamutoï, chasseurs des steppes, la pêche ne représentait
qu’une activité annexe. Leurs bateaux n’étaient conçus que pour les transporter
d’une rive à l’autre de petits affluents, ou de rivières plus larges qui
descendaient des montagnes, au nord, et traversaient presque un continent avant
de se jeter dans la mer intérieure méridionale.
Les Ramudoï, Peuple de la Rivière, et moitié jumelle des
Sharamudoï pêchaient sur la Grande Rivière Mère – à vrai dire, quand
ils partaient capturer les énormes esturgeons de neuf mètres, ils appelaient
cela chasser. Alors que l’autre moitié, les Shamudoï, chassaient le chamois et
les animaux sur les pentes escarpées des falaises et des montages dominant la
rivière qui coulait au fond d’une gorge profonde près de leur Camp. Pendant la
saison chaude, les Ramudoï vivaient sur l’eau, profitant de toutes les
ressources de la rivière. Ils abattaient les grands chênes blancs qui bordaient
ses rives pour fabriquer leurs superbes pirogues si maniables.
— Eh bien, embarquons d’abord le matériel, décida Jondalar
en soulevant un de ses sacs. (Il le reposa et en choisit un autre.) Il vaut
mieux mettre les plus lourds dans le fond, je pense. Celui-ci contient mes
silex et tous mes outils.
Ayla approuva d’un air grave. Elle aussi avait longuement
réfléchi aux difficultés de leur future traversée en rassemblant ses souvenirs
des sorties en bateau avec ceux du Camp du Lion.
— On devrait s’installer face à face, suggéra-t-elle. Ça
maintiendra l’équilibre. Je garderai une place à côté de moi pour Loup.
Jondalar s’interrogeait sur le comportement du louveteau dans la
frêle embarcation, mais s’abstint de tout commentaire. Ayla, qui avait remarqué
son inquiétude, garda son calme.
— Tiens, fit Jondalar, prends cette pagaie. Il vaut mieux
que nous en ayons une chacun.
— Avec tout ce chargement, j’espère qu’il va nous rester de
la place, remarqua-t-elle en casant la tente sur laquelle elle prévoyait de s’asseoir.
Ils réussirent à tout faire entrer dans le bateau excepté les
perches.
— Tant pis, soupira Jondalar. Abandonnons-les !
Alors qu’ils venaient de remplacer celles qu’ils avaient perdues
dans l’ouragan.
— Oh, non, certainement pas ! s’écria Ayla en
brandissant une corde qu’elle avait réservée. Elles flotteront. Je vais les
attacher au bateau pour les empêcher de dériver.
L’idée déplaisait à Jondalar et il allait formuler une objection
quand une question d’Ayla bouscula ses pensées.
— Et les chevaux ? fit-elle. Qu’allons-nous en
faire ?
— Les chevaux ? Mais ils savent nager, non ?
— Oui, mais tu sais bien comme ils sont nerveux, surtout
quand il s’agit d’une nouvelle expérience. Que ferons-nous si quelque chose les
effraye et qu’ils décident de faire demi-tour ? Jamais ils ne
retraverseront seuls. Ils ne s’apercevront même pas que nous sommes sur l’autre
rive, et il faudra retourner les chercher. Autant les guider.
Elle a raison, se dit Jondalar. La peur peut pousser les chevaux
à rebrousser chemin.
— Et comment les guider puisqu’on sera dans le
bateau ? demanda-t-il.
La situation se compliquait. C’était déjà assez difficile de
conduire un bateau sans avoir à s’occuper de chevaux paniqués. Son inquiétude
grandissait.
— On va leur mettre les harnais avec des longes qu’on
attachera au bateau, suggéra Ayla.
— Tu crois ?... Ce n’est peut-être pas la meilleure
solution. Réfléchissons encore.
— Mais c’est tout réfléchi, répliqua Ayla en enroulant une
corde autour des trois perches avant de l’attacher au bateau avec un peu de
mou. Écoute, c’est toi qui étais pressé, ajouta-t-elle en harnachant Whinney.
(Elle passa une corde dans le harnais et la fixa au bateau, à l’opposé des
perches.) Voilà, je suis prête ! annonça-t-elle, debout près du bateau,
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