Le grand voyage
l’amarre
à la main.
— Bon, d’accord, finit-il par déclarer après une longue
hésitation. Il appela Rapide. Le jeune étalon dressa la tête et hennit quand l’homme
tenta de glisser le harnais par-dessus l’encolure. Mais Jondalar lui parla avec
douceur tout en le flattant et en le caressant. Rapide se calma et se laissa
faire. Jondalar put alors amarrer la corde au bateau.
— Allons-y ! décida-t-il.
Ayla fit signe à Loup de venir près d’elle. Alors, tenant les
longes pour entraîner les chevaux, ils poussèrent le bateau dans le fleuve et
se hissèrent à bord.
Les ennuis ne tardèrent pas. Le courant emporta la frêle
embarcation mais les chevaux n’étaient pas encore prêts à entrer dans l’eau.
Ils ruèrent et se cabrèrent, secouant violemment la barque et manquant la
renverser. Loup dut lutter pour garder l’équilibre, et considéra la situation d’un
air affolé. Sous le poids de la charge, le bateau se remit d’aplomb, bien qu’il
s’enfonçât dangereusement. Les perches, emportées par le courant, flottaient
devant eux.
Les encouragements angoissés d’Ayla et de Jondalar, et le
courant qui entraînait le bateau, lequel entraînait à son tour les chevaux,
décidèrent enfin les deux bêtes réticentes. La première, Whinney mit un sabot
dans l’eau, bientôt imitée par Rapide, et ils s’élancèrent. Ils perdirent vite
pied et se mirent à nager. Jondalar et Ayla n’avaient d’autre choix que de se
laisser guider par le courant jusqu’à ce que l’ensemble hétéroclite formé par
les trois perches enchevêtrées, suivies par une coquille de noix lourdement
chargée dans laquelle se tenaient un homme, une femme et un loup affolé, et
tirant derrière elle deux chevaux, se fût enfin stabilisé. Jondalar et Ayla
abandonnèrent alors les longes et empoignèrent les pagaies pour tenter de
remonter le courant.
Peu habituée, Ayla pagayait gauchement face à la rive opposée.
Tout en essayant d’éloigner l’embarcation du rivage, Jondalar lui criait des
conseils. Après quelques essais infructueux, elle finit par prendre le coup de
main et put enfin aider Jondalar à diriger le bateau. Mais même à deux, ils n’avançaient
pas vite, gênés par les longues perches qui les précédaient et par les chevaux
qui les tiraient involontairement en sens contraire en roulant des yeux
effrayés.
Emportés par le courant, ils approchaient tout de même de l’autre
rive, mais le fleuve, épousant le relief qui descendait vers la mer, décrivait
une courbe à angle aigu en prenant de la vitesse. Un fort reflux formait un
tourbillon dans lequel les perches virevoltèrent et furent projetées à l’avant
du bateau avec une telle violence que Jondalar crut qu’elles avaient troué la
coque. Le choc secoua les occupants, fit tournoyer la coquille de noix et se
répercuta sur les longes qui retenaient les chevaux. Paniqués, ils se mirent à
hennir, avalant de pleines gorgées d’eau, et tentèrent de s’éloigner, mais le
courant entraînait inexorablement dans la direction opposée l’embarcation à
laquelle ils étaient attachés.
Leurs efforts désespérés eurent pourtant un effet certain. Le
frêle canot se mit à tourner dans l’autre sens, tirant les perches d’un coup
sec, lesquelles cognèrent de nouveau la coque avec force. La violence du
courant ajoutée aux secousses contraires agita en tous sens le bateau
surchargé. Il embarqua de l’eau, s’alourdit, menaça de couler.
La queue entre les pattes, le loup terrorisé s’était
recroquevillé sur la tente à côté d’Ayla. Celle-ci s’efforçait désespérément de
maintenir le bateau à l’aide d’une pagaie qu’elle ne savait pas utiliser,
tentant d’appliquer les instructions de Jondalar sans les comprendre. En
entendant les hennissements affolés des chevaux, elle saisit soudain qu’elle
devait les détacher. Abandonnant sa pagaie, elle empoigna le couteau qu’elle
portait à la ceinture et trancha la longe de Rapide qu’elle savait le plus
nerveux des deux.
La libération de l’étalon fit ballotter et tournoyer la barque
de plus belle, et Loup n’y tint plus. Il sauta par-dessus bord. Ayla le regarda
s’éloigner en nageant frénétiquement, coupa la longe de Whinney, et plongea à
son tour pour rattraper Loup.
— Ayla ! cria Jondalar.
Le bateau soudain allégé, tournant comme une toupie, fut
précipité sur les perches et lorsqu’il put lever les yeux, il vit Ayla
encourager
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