Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Aurions-nous pu prévoir cela ?… Et en deux jours, cette ribaude a embelli !
    Ogier ne répondit pas. Leurs opinions, sur ce sujet, divergeaient absolument. Avec cette jalousie innée chez la femme envers toutes ses pareilles, même quand celles-ci ne la préjudiciaient en rien, Tancrède était encline à vilipender Adelis. Pour ce qui le concernait, la mansuétude du maçon à l’égard de cette fille faillie le merveillait d’autant plus qu’elle le laissait de glace.
    — Quand il reviendra – s’il revient –, Bressolles n’aura qu’un geste à faire pour la recevoir en son lit. Quel savoir elle doit posséder !… Y songes-tu ?
    « En quoi consiste le tien, cousine ? » fut-il tenté de demander.
    La malice de Tancrède procédant tout entière, sans doute, de l’ascendance maternelle – les Saint-Rémy –, et d’autant plus virulente qu’elle se manifestait toujours inopinément, venait de le confondre une fois de plus. En présence de cette créature aux courbes doucereuses et cependant solides, à l’apogée d’un éclat dû aux ultimes feux de l’adolescence, il feignait – comme maintenant – d’être distrait, et même indifférent. Bien mal. Avant l’irruption des Anglais, et pour qu’il l’admît parmi ceux qui l’accompagneraient en Normandie, elle eût chaque jour tourné d’un peu plus près autour de lui sans qu’il parvînt à déceler si, dans ces agissements contraires à sa nature, elle engageait sa malignité ou cette sensualité tellement urticante qu’elle incitait à la luxure plutôt qu’à l’affection issue d’une parenté que d’ailleurs elle contestait.
    — Ah ! cousin. Elle doit t’être reconnaissante, l’Adelis, de l’avoir tirée des griffes de mon oncle, puis de celles des Goddons. Ils ont des prisonnières. Le sais-tu ?
    — Oui.
    — Cette nuit, leurs cris, leurs pleurs montaient jusqu’au donjon… Pauvres dames… Allons, je te laisse à tes devoirs.
    Tancrède s’éloigna. Ses hauts-de-chausses la moulaient au point qu’elle n’eût guère été plus excitante nue, vue de dos. Provocation ? Insouciance ? Qu’en pensait Arnaud Clergue ? Et comment le clerc faussement débonnaire l’eût-il jugé, lui, Argouges, s’il lui avait livré ses méditations ?… Il y avait son âme. Il y avait son corps, et ce n’était pas gros péché de lui lâcher parfois les rênes – surtout maintenant !
    Cette paire de fesses qui s’éloignait… Cette raie médiane, apparemment profonde, aux oscillations nerveuses…
    « Post equitem sedet atra cura … Eh oui, messire chapelain qui passez là-bas, le dos courbe… Le noir souci monte en croupe derrière le cavalier… Je veux monter en croupe de cette cavalière. Et j’attendrai le temps qu’il faudra… »
    Son cœur cognait. Il n’aurait pas dû s’interrompre avec Margot. Ainsi, satisfait ou repu, il eût moins pensé à Tancrède.
    — La garce ! murmura-t-il. La divine garce !
    Ses belles jambes gainées dans un satanin [25] si mince et si fluide qu’il semblait une peau presque aussi pulpeuse que la vraie… Le toucher seulement, tiédi par cette chair à laquelle il adhérait sans un pli… Ah ! si elle consentait… Si elle permettait… Si elle tolérait… Si elle voulait… Avec Didier, l’inceste était patent, car ils étaient vraiment cousins… Si Guillaume n’était pas son père, alors tout était possible…
    Laissant son oncle, Ogier descendit dans la haute cour. Margot et Aliénor y bavardaient encore. Apparemment, le deuil les affligeait à peine. L’une bonne à reprendre. Et l’autre ?
    — Bon, je te quitte, Margot.
    Aliénor s’en alla. Au passage, le garçon se sentit enveloppé d’un regard si chargé d’intérêt que l’attouchement de leurs coudes, lorsqu’il s’était rendu chez les Champartel, ne devait pas être un effet du hasard. En se demandant : « Qu’est-ce qu’elles ont toutes ? » il dit à Margot :
    — C’est bien de m’avoir rapporté ma cervelière… Était-ce pour me retrouver que tu es montée jusqu’à ma chambre ?
    — Vous revoir ?… Voilà bien de la prétention, messire !… Ce que vous m’avez donné m’a suffi. Et la façon dont vous avez procédé me paraît des plus ordinaire.
    Elle pouvait prendre un air enjoué, la hardiesse des deux plis légers, sur ses joues anormalement pâles, démentait l’expression de son visage. Et que signifiait son regard, plus troublant qu’un cri de

Weitere Kostenlose Bücher