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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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d’échanger un regard.
    — C’est quand même mieux que d’avoir une chambre dans la taverne de Rodrigue, avec toute cette canaille qui hante les lieux, lui répondit Judith. Savez-vous comment se porte maîtresse Regina ? On racontait hier qu’elle n’allait pas mieux.
    — Romeu nous fabrique un nouveau comptoir et nous le voyons beaucoup en ce moment. Le vieux meuble est si usé et si bancal que, quand Éphraïm y dépose un gant sur lequel il place des perles ou des bijoux afin que le client voie l’effet produit, ils roulent et tombent même à terre. La dernière fois que cela est arrivé, j’étais partie chez la pauvre Regina. Ça m’a fait un choc de la voir ainsi.
    — Sa santé ne s’est donc pas améliorée ? Je le croyais puisqu’elle n’avait pas appelé Isaac depuis des mois.
    — Je dirais que son état s’aggrave. Elle ne met plus le nez dehors, volontairement ou non, je ne sais. Je lui ai apporté un plat très fin à base d’œufs sucrés, de citron et d’épices en pensant qu’elle se laisserait peut-être tenter, cependant elle m’a expliqué qu’il lui était impossible de manger. La vue et l’odeur de la nourriture la rendent malade, m’a-t-elle dit, même si elle se force un peu pour faire plaisir à son père.
    — À quoi s’occupe-t-elle ?
    — Elle fait de son mieux pour tenir sa maison, pourtant elle m’a avoué trouver cela difficile. Elle ravaude les habits de Romeu et cherche à lui couper une nouvelle chemise, mais elle ne peut dormir quand il le faudrait et, chaque fois qu’elle doit s’asseoir et se concentrer sur quelque chose, elle s’endort brusquement… ou se remet à pleurer.
    — On ne peut pas la laisser comme ça.
    — Romeu m’a confié qu’il avait renoncé. Elle lui dit qu’il est inutile de dépenser son argent avec un médecin puisqu’elle n’est pas malade, seulement malheureuse. Mais Judith, si vous la voyiez ! Elle est aussi frêle qu’une branche de saule et pâle comme un linge. Elle ne saurait vivre sans s’alimenter, et je suis persuadée qu’elle ne mange même pas assez pour nourrir une mouche.
    — La pauvre. C’était une si jolie fille, si agréable ! J’étais sûre qu’un autre jeune homme se présenterait à elle. Mais si elle perd sa beauté et ses douces manières, comment cela pourrait-il arriver ? Ce n’est pas comme si elle était riche.
    — Son père est prospère, précisa Dolsa, mais je ne le crois pas riche. Elle ne devrait pas avoir de difficulté à trouver un mari, une fille aussi intelligente et aussi travailleuse qu’elle, plutôt bien dotée de surcroît. On en viendrait à penser qu’elle fait cela délibérément. En toute franchise, je ne la comprends pas, ajouta-t-elle les yeux pleins de larmes. Le monde recèle déjà tant de souffrances, pourquoi ne fait-elle pas plus d’efforts pour oublier son infortune ?
    — Il se peut qu’elle ait essayé et qu’elle n’y soit pas parvenue, répondit Judith d’une voix assez sèche. N’oubliez pas que sa mère est morte il y a peu. C’était une femme que l’on n’oublie pas. Mais comment le jeune Lucà qui habite chez eux fait-il pour gagner son pain ? À moins qu’il vive de la générosité de Romeu ?
    — Il se prétend guérisseur et marchand d’herbes médicinales, dit soigneusement Dolsa sans adresser un regard à sa voisine. Je crois qu’il gagne un peu d’argent en vendant des plantes et des mixtures à ceux qui croient que ses décoctions leur viendront en aide.
     
    Tandis que Dolsa rapportait à Judith les derniers ragots concernant Lucà, celui-ci était installé dans sa petite chambre, dans les combles de la maison du menuisier Romeu, et il examinait une collection d’herbes séchées disposées devant lui. Lui aussi pensait aux petites sommes que lui valait la vente de ses potions. Si Romeu ne s’était pas montré aussi généreux, nourrissant le jeune homme et le logeant pour la moitié du prix pratiqué en ville, il aurait été contraint d’aller vivre ailleurs. Il soupira et sélectionna les ingrédients d’une préparation destinée à apaiser les maux de gorge de l’une de ses patientes.
     
    — Je ne comprends pas pourquoi vous ne soignez pas la fille de Romeu, dit la vieille dame. Puisque vous vous occupez de ma gorge et éventuellement de mon ventre, vous pourriez faire quelque chose pour cette enfant en pleine santé. Ah, si vous aviez vu comme elle était jolie avant tout

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