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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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l’air.
    — Oui. Dès qu’il aura pris notre argent, il nous sera totalement acquis. C’est pourquoi j’aime naviguer avec lui.
    — Je connais d’honnêtes marins qui…
    — Je sais, l’interrompit Salomó. Si vous avez une énorme cargaison susceptible d’occuper toute une cale, vous pouvez engager l’un d’eux. Mais quand on n’a que peu de choses à transporter, ce qui est mon cas, ils vous feraient payer comme s’il s’agissait de toutes les épices de l’Orient, plus quelques lions et quelques tigres pour faire bon compte. Giovanni ne nous prendra pas trop cher et s’occupera bien de nous tant que nous ne lui dirons pas comment agir.
    — Giovanni ? s’étonna Daniel.
    — Ne me demandez pas… ne lui demandez pas d’où il est originaire, dit Salomó. Je crois que lui-même l’ignore.
     
    Peu après que les quatre hommes furent arrivés sur le quai, Giovanni en personne vint les accueillir.
    —  ¡  Hola ! dit-il. Nous appareillons bientôt. Où est votre cargaison, maître Salomó ?
    — Dans le canot que vous voyez là.
    Giovanni s’approcha de l’équipage de l’embarcation en question et brailla quelque chose d’incompréhensible.
    — Quelle langue parle-t-il ? demanda Daniel.
    Salomó haussa les épaules.
    — Laquelle parle-t-il bien, voulez-vous dire ? Aucune, je crois. Mais mal, toutes celles dont vous connaissez le nom, plus quelques autres. Il leur a dit de prendre soin de ma cargaison, cela j’en suis sûr, mais pour le reste, j’avoue mon ignorance, et pourtant je connais bien des langues étrangères.
    Avec trois autres passagers, ils s’entassèrent dans le canot suivant, lequel les mena à la Santa Felicitat, un deux-mâts fier et large qui se balançait au vent de noroît. Les quatre voyageurs furent poussés plus que conduits dans une minuscule cabine située près de la poupe. Elle possédait deux étroites couchettes de bois et des crochets à hamacs.
    — Je crois, dit Salomó en s’asseyant, que l’on va mettre la voile. Ils ne nous veulent pas dans leurs jambes.
    Avec des cris et des jurons de la part de l’équipage, avec les grincements et les craquements du bois, du métal et du cordage, les voiles furent hissées. Le bruissement de la coque adopta un rythme que Daniel reconnut aussitôt, accentué par le claquement de l’eau contre le bois. Ils étaient partis, poussés par un vent béni qui, ils l’espéraient, les mènerait sans encombre jusqu’au port de Majorque. Il s’appuya à la paroi du bateau et calcula à quel moment il serait de retour. Puis il s’imagina dans sa maison, avec sa cour inondée de soleil. Douloureusement, il ouvrit les yeux et, en soupirant, se rappela où il était.

Quatrième partie

MAJORQUE

X
Car vostre cos és de verí replet Car votre corps est plein de poison
    Le vent les poussait lentement loin du port, ce qui déclencha un beau tapage parmi les membres de l’équipage.
    — Que se passe-t-il ? demanda Daniel. Pourquoi un tel affolement ?
    — Ils ne sont pas affolés, lui répondit Salomó. Seulement nerveux. Si nous voulions mettre le cap sur Gênes, il n’y aurait pas meilleur vent. En revanche, ce n’est pas l’idéal pour aller dans les îles.
    — Et ils ne veulent pas aller à Gênes, si je comprends bien.
    — Oh non, car la plupart y seraient pendus pour piraterie ! Mais c’est un bon équipage que nous avons sur cette coque de noix, et il peut beaucoup même quand les vents ne sont pas pleinement favorables.
    Comme par défi, la voile se mit à vibrer ; les flammes claquèrent une ou deux fois puis retombèrent. Il n’y avait plus de vent.
    — Et maintenant ? fit Daniel.
    — Maintenant, rien, dit Salomó. À moins que vous ne vouliez prendre un des canots pour nous remorquer, ajouta-t-il en riant bruyamment. Mais ne vous inquiétez pas, à cette époque de l’année, nous aurons bien du vent à un moment ou à un autre.
    Le navire ballottait doucement sur la mer d’huile, et Daniel trouva interminable cet après-midi-là. Les seuls marins à travailler étaient la vigie, l’homme de barre planté devant la roue et le second qui faisait les cent pas sur le pont.
    Les hommes avaient terminé de souper quand une rafale fit claquer les voiles sur le mât. Un cri retentit. Oisif jusque-là, l’équipage s’affaira avec les cordages et le gréement. En quelques instants, les voiles se gonflèrent et le bateau ventru et paresseux contre lequel Daniel ne cessait de

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