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Le héron de Guernica

Le héron de Guernica

Titel: Le héron de Guernica Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Antoine Choplin
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étourdies.
    L’une d’elles, celle au halo, peinant à se relever. Se relevant tout de même. Zigzaguant jusqu’au profond cratère de bombe, trébuchant, disparaissant ainsi aux yeux de Basilio.
    La course du taureau tout entier dévoré par les flammes s’interrompt au centre de la place. Il s’écroule brutalement, comme touché par une cartouche de gros calibre. Durant un long moment, le feu qui le tenait continue à s’échapper de la masse noire inerte.
    La boule de feu portée par le taurillon ventru a gagné en volume. Et pourtant, son allure est moins heurtée que précédemment. Ses cavalcades s’accommodent d’assez longues lignes droites. L’une d’elles se termine du côté de Basilio, par une sorte de révérence, gueule béante. Et puis s’éloignant dans la direction opposée, il gagne les entrepôts en feu. S’engouffre droit dans la fournaise, par l’ouverture dont il s’était échappé quelques instants plus tôt.
    Basilio, comme envoûté par les événements de la place. À ses yeux qui ne clignent pas, une brillance inhabituelle.
    Non loin de lui, un homme quitte soudain sa planque et se met à courir en hurlant que c’est le bon moment les gars pour y aller. Sans réfléchir, Basilio lui emboîte le pas et ça tombe bien, parce qu’il prend la direction de l’église San Juan.

Ah, Basilio, tu es là. Viens vite, mets-toi à l’abri. Il manquerait plus qu’ils s’en prennent à la maison du Seigneur.
    À la suite du père Eusebio, Basilio se faufile dans l’église San Juan par le portail entrebâillé.
    Tous les deux, ils se retrouvent face à face, au milieu des gens rassemblés. Il règne là une drôle de pénombre, cinglée par les faisceaux de lumière colorée dégringolant des vitraux et dans lesquels on voit voleter une abondante poussière.
    Le père Eusebio attrape les mains de Basilio.
    Tu n’es pas blessé, au moins, il demande.
    Basilio le rassure d’un geste.
    Et les autres ?
    Je sais pas.
    Le curé lui serre les mains un peu plus fort. D’une voix douce et en se signant, il dit que c’est une journée de malheur mais qu’il faut garder confiance.
    Juste à côté, il y a le murmure des prières psalmodiées par trois femmes agenouillées à même les dalles de l’allée centrale.
    Viens avec moi, dit le curé.
    Et ensemble, ils traversent la nef et rejoignent la sacristie.
    Regarde ça, dit Eusebio.
    Il désigne à Basilio un appareil photographique à plaques, ajusté sur son trépied.
    C’est un paroissien qui me l’a prêté, il y a de cela quelque temps. L’appareil date un peu mais il peut faire de bonnes images. Au début, c’était seulement pour faire des photographies de San Juan, mais vu les circonstances, j’ai une autre idée. Si tu veux bien m’aider.
    Basilio se tient silencieux.
    Voyons ça, marmonne le curé.
    Il relève le rideau de feutre noir.
    Il faut commencer par placer les plaques dans les plis de la bande de papier. On peut en disposer cinquante, voilà, comme ça.
    Il tend les plaques à Basilio qui insère machinalement le restant des plaques.
    Pour prendre une photographie, continue le père Eusebio, il n’y a qu’à armer l’obturateur et déclencher.
    Il montre l’endroit à Basilio.
    Lorsque la vue est prise, il faut tirer le papier jusqu’au trait qui est marqué sur sa surface. Ici. En faisant cela, la pellicule impressionnée va se placer dans un compartiment spécial et le papier qui a servi de porte-pellicule sort de l’appareil. On le déchire et on peut écrire dessus ce qui sera utile pour le développement. Tu comprends. Bon, il y a aussi la mise au point que l’on peut faire varier et l’obturateur peut donner des vitesses différentes de prise de vue. Mais tu n’auras pas à t’occuper de ça. Je vais tout préparer.
    Et il pratique quelques réglages. Ses mains tremblent un peu.
    Qu’est-ce que je dois faire ? demande Basilio.
    On va prendre des photographies, Basilio. Pour témoigner de ce massacre auprès du monde entier. C’est ça qu’on va faire.
    Mais il y a tous ceux qui l’ont vu de leurs propres yeux. Toi, moi, les autres.
    Ça suffit pas. Il faut des documents. Sinon, on nous croira jamais. Allez, suis-moi.
    Sur le parvis, Eusebio pointe son bras vers le début de la Calle Allende. Il désigne à Basilio l’orifice circulaire de l’une des vastes conduites servant à évacuer les eaux des crues saisonnières.
    Tu vas t’installer là avec l’appareil photographique, dans la

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