Le héron de Guernica
d’engraisser autrement les poils de martre d’un pinceau et d’inventer au papier de nouvelles arabesques.
Les souliers vernis reculent encore un peu, jusqu’à sortir du champ de vision de Basilio.
D’autres pas se rapprochent.
Alors, Pablo.
C’est la voix de l’homme à la casquette.
Cela vous convient ?
Pas de réponse.
C’est bientôt l’heure maintenant et les gens se pressent dans le hall, dit encore l’homme à la casquette. Nous allons les faire entrer.
Et il se dandine un instant d’un pied sur l’autre.
Bien, alors je pense que nous pouvons y aller, il ajoute.
Et tandis qu’il s’éloigne vers l’escalier, Basilio se dit qu’il serait encore temps.
De dire un mot, même bredouillé. De faire un pas vers lui, de dénouer pour lui les ficelles de son carton à dessins et de lui montrer le Héron.
Il lui semblait entendre la bonne voix du père Eusebio, allez, Basilio, fais-le, tu vois bien que c’est le Seigneur en personne qui t’en offre la chance.
Après tout, c’est vrai qu’il était venu pour ça aussi.
Basilio a frotté ses yeux et s’est mis debout.
À pas lents, il est passé devant lui, esquissant peut-être un léger hochement de tête tandis que pour la première fois, le temps d’une seconde à peine, leurs regards se rencontraient.
Après qu’il ait fendu la troupe des gens assemblés dans le hall du bâtiment, il a repris sa valise au vestiaire.
Il a cherché en vain le visage de la femme à la robe longue, se hissant sur la pointe des pieds et tournant plusieurs fois sur lui-même pour tenter de la repérer.
Il a rejoint la sortie.
Sous le soleil généreux, il a redescendu l’esplanade du Trocadéro et gagné les bords de Seine.
Accoudé au parapet du pont, il a respiré à grands traits, couvrant d’un œil vagabond le ballet paisible des péniches et les voltes d’un couple de mouettes.
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