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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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que tu n’as guère apprécié la disparition, voici quelques années, de ton plus cher ennemi.
    Bartolomeo allait protester, mais l’émir continuait :
    — Et que tu n’as eu de cesse de le retrouver, envoyant, si mes renseignements sont exacts, nombre d’émissaires chargés de le pister que ce soit ici, dans les Pouilles et jusqu’en pays de France. Cela a dû te coûter une fortune.
    — Par chance, mes parents m’ont laissé de quoi vivre largement. Il est vrai que j’avais quelques différends à régler avec le sire de Tarse, pourtant je vous assure que votre service m’importe plus que mes querelles personnelles.
    À chaque fois qu’il prononçait le nom d’Hugues, un tic nerveux faisait tressauter les paupières du chevalier. Cette marque de nervosité si incongrue de la part d’un tel homme incita Maion à lui demander :
    — Mais dis-moi, tu ne m’as jamais dit quelle était la raison de cette haine si tenace ?
    Bartolomeo hésita, puis finit par répondre, songeant qu’il serait peu opportun, voire dangereux, de mentir à l’émir.
    — Il a tué ma sœur Judith.
    Le ton était sec et Maion sentit que d’Avellino n’avait pas envie d’en dire plus.
    — Je savais qu’elle était morte, mais...
    — C’est le passé, Excellence, le coupa le chevalier, et ce n’est pas pour parler de mes affaires de famille que vous m’avez mandé. Venons-en au but de ma visite. Je suis votre serviteur.
    La phrase était brusque et les tics nerveux allaient en s’accentuant, contractant le visage de Bartolomeo.
    — Soit, concéda Maion, bien décidé à ordonner à ses gens de se renseigner sur la mort de Judith d’Avellino.
    Son père lui disait toujours qu’un homme qui ne connaît pas le passé de ceux qui l’entourent est un homme mort.
    — Votre page avait l’air fort pressé de me trouver, reprit d’Avellino, et on m’a fait savoir que la nuit avait été propice aux cauchemars.
    — Tu ne crois pas si bien dire.
    Il se leva.
    — Suis-moi.
    Quelques instants plus tard, ils pénétraient dans une salle voûtée dans les entrailles du palais. Des coulées de salpêtre et d’humidité formaient un voile gris-vert sur la pierre. Des cadavres gisaient sur des tables à tréteaux. Un médecin vêtu d’une djellaba était penché sur l’un d’eux. Il se redressa en les entendant entrer et s’inclina respectueusement devant l’émir et celui qui l’accompagnait.
    — Salut à toi, Grimoald, dit Maion.
    Le mire hocha la tête en signe de réponse. Son attention et ses qualités d’observation se mobilisaient davantage sur les malades et les morts que sur les vivants et les bien-portants.
    — Tu ne connais pas Grimoald, il est depuis peu le médecin de notre reine, expliqua l’émir au chevalier. Il vient de l’école de Cordoue et le corps humain n’a guère de secret pour lui.
    Il désigna les morts :
    — Les connais-tu ?
    D’Avellino s’approcha pour scruter les visages grisâtres.
    — Non... Quoiqu’il me semble avoir déjà vu celui-là, dit-il en désignant le plus robuste. Qui sont-ils et où sont-ils morts ?
    — Plus tard, plus tard. Allez, Grimoald. Allez, nous t’écoutons, fit Maion, encourageant le médecin à prendre la parole.
    — Je n’ai pas grand-chose à vous apprendre, ô émir. Ces deux hommes ont été tués à peu de temps d’intervalle (il désigna les plaies) et vraisemblablement par la même arme, un poignard à la lame effilée, comme la plupart d’entre nous en portent. Celui qui a donné le coup était soit un soldat, soit un homme habitué au maniement des armes.
    — Pourquoi cela ?
    — Le coup était destiné à tuer, il a été donné sans hésiter, dénotant une connaissance de l’anatomie humaine qu’ont seuls les médecins... et les guerriers.
    Grimoald se tut.
    — Rien d’autre ?
    Il fit signe que non.
    — Vous dites un poignard comme nous en portons tous, mais nous possédons tous des poignards différents. C’était un coutel franc, une dague italienne ou un khandjar arabe ? demanda d’Avellino.
    — Je pencherais pour un khandjar, fit Grimoald. À cause de l’inclinaison de la plaie. Puis-je faire enterrer les corps ? Ils sentent déjà, et la chaleur de ce mois de juin risque d’accélérer la décomposition.
    Maion acquiesça. Quelques instants plus tard, il était à nouveau dans ses appartements avec d’Avellino.
    — Qu’en pense s-tu ?
    — Vous allez un peu vite en besogne,

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