Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
Vom Netzwerk:
cherchait à rassembler ses idées.
    — Je me souviens... Le jour de sa mort, il n’avait que trente ans, toutes les femmes arabes de Palerme pleuraient et Abû Dâwud a composé une élégie dont j’ai encore le texte.
    Pour la première fois, peut-être, Tancrède prenait pleinement conscience du sang royal qui coulait dans ses veines, il était le petit-fils du grand Roger II, le fils d’un duc. Cette fierté fut bien vite remplacée par un sentiment plus complexe, celui de la jeunesse de son père. Mort à trente ans, il en avait dix-sept à sa naissance... Il se sentait vieux soudain. Vieux de n’être encore rien alors qu’il avait déjà vingt ans !
    Hugues reprit la parole.
    — Voilà pourquoi, Khalil, nous sommes venus à toi. Je ne voulais pas jeter Tancrède dans le bouillonnement de la Cour sans avoir l’avis d’un ami sûr.
    — Ta confiance m’honore. Mais il est vrai que le moment n’est pas le mieux choisi pour présenter Tancrède au roi. Cela me fait songer que je ne t’ai pas conté la raison de ces maisons calcinées que tu as dû voir en venant ici.
    — C’est vrai.
    — Je t’ai dit que les Lombards se servent de Maion de Bari pour se débarrasser des musulmans. Il y a quelques jours, l’émir des émirs a ordonné qu’on désarme tous les musulmans de Palerme. Et comme tu l’imagines, cela n’a pas été sans mal, ceux-ci refusant de se livrer désarmés aux mains de leurs ennemis. Le sang a coulé, mais la répression fut terrible. Nombre de femmes et de jeunes filles ont été conduites dans le harem de Maion ou au tiraz . Des hommes ont été massacrés, d’autres mis au pilori. La Kalsa est comme morte.
    — Et la Légion arabe, dans tout ça ?
    — Leurs maisons et leurs familles ont été épargnées, ainsi que celles des gens en vue à la cour, financiers de la Dohana ou savants comme Al-Idrisi. De toute façon, la plus grande partie de la Légion était avec l’armée du roi dans les Pouilles. Ils viennent juste de rentrer et je ne sais comment ils réagiront.
    — Il n’est pas prudent que nous restions chez toi. Notre présence ne sera pas forcément bien vue par Maion... ni par le roi.
    — Si c’est pour moi que tu crains, reste, mon ami... Au moins cette nuit.
    — D’accord pour cette nuit. Ensuite, nous irons chez le duc Sinibaldo. Qu’en penses-tu ?
    — Ton choix est judicieux, comme d’habitude. Il révérait le père de Tancrède et sera un allié pour son fils.
    — Il vit toujours à Palerme ?
    — Oui.
    — Et que pense-t-il des affaires du royaume ?
    — Il juge sévèrement ce qui se passe et accuse le roi de ne pas s’y intéresser assez.
    — Une attitude courageuse, mais risquée.
    — Par pour le duc Sinibaldo, c’est un renard et puis, par sa femme, Marie Guiscard, il est apparenté à Roger II. Il sait dire des choses qui vaudraient la prison à d’autres et qui, à lui, ne valent que des compliments sur la tournure de son esprit et sur son attachement aux vieilles valeurs.
    — Je vais lui écrire pour lui annoncer notre venue et lui demander l’hospitalité. Un de tes serviteurs pourra lui porter mon message ?
    — Bien sûr. Mais n’avais-tu pas une maison en ville, autrefois ?
    Une ombre passa sur le visage du Gréco-Syrien. Il avait vécu des jours heureux dans ce palais situé non loin de celui de l’amiral. Une vaste demeure où, lors de repas mémorables, chacun échafaudait des projets, Georges parlant du négoce du corail, le jeune duc de la politique de son père en Afrique, d’Avellino de la tentation qu’il avait de se faire ermite. Il y avait aussi connu les affres de la jalousie et de la haine. Il revoyait Judith, croyait entendre son rire provocant... et sentait monter en lui des envies de meurtre, comme autrefois.
    — Je ne sais si le serviteur que j’y ai laissé a réussi à la sauvegarder, fit-il. Tout cela est si loin !
    L’embarras de son ami était tellement évident que l’émir changea de sujet, déclarant avec bonne humeur :
    — Si tu reviens à la Cour, tu vas me faire regretter d’avoir quitté la Légion.
    — Ne regrette rien, mon ami, c’est toi le sage et moi le fou.
    Le soir tombait. Hugues avait fait porter son pli au duc Sinibaldo. Sélim revint leur annoncer avec force détails les plats du dîner. Puis Tancrède, que la fatigue avait rattrapé et qui sentait le besoin que les deux amis avaient de se retrouver en tête à tête, s’excusa et alla se

Weitere Kostenlose Bücher