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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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insista-t-il. Je l’avais caché à Anaor et sans le courage de mes gens, on me l’aurait enlevé et tué. Protège-le, fais-en un homme. Je veux qu’un jour il puisse gouverner à son tour.
    Seulement le duc était mort à trente ans, un de ses frères était monté sur le trône et, aujourd’hui, plus personne n’était là pour présenter son aîné à la cour de Sicile. Pourtant, obéissant à son serment, Hugues avait guidé le jeune homme vers son pays d’origine, se demandant à chaque instant s’il avait eu raison.
    — C’est cela, fit-il, revenant à la conversation.
    — Notre duc est mort quelques années plus tard, au désespoir de tous, à commencer par le roi Roger II. Quant à Guillaume, le dernier fils de Roger II et de la reine Elvire, il a épousé Marguerite, la fille du roi de Navarre. Puis Philippe a été tué. Le grand roi est mort. Guillaume I er a pris sa place. Maion de Bari est devenu émir des émirs...
    — Attends, attends ! l’interrompit Hugues. Tu vas trop vite. Philippe... De quel Philippe parles-tu ?
    — Philippe de Mahdiyya.
    — L’eunuque devenu amiral ? Celui qui a succédé à Georges d’Antioche ? Que lui est-il arrivé ?
    — Tu n’as pas su ?
    — Nous étions loin, Khalil, je n’ai pas eu autant de nouvelles de Sicile que j’en aurais voulu. Parle.
    — Je crois que c’est là que tout a commencé.
    — Que veux-tu dire ?
    — C’est la première fois où les Lombards ont autant affirmé leur suprématie à la cour. Et cela, contre nous autres, musulmans. Tu sais bien que certains d’entre nous se sont convertis au christianisme et d’autres pas. Ces derniers, tout comme moi qui, pourtant, occupais un haut poste au palais, ont continué à suivre l’enseignement du Coran. Sous Roger II et son père avant lui, cela ne posait aucun problème. Ce n’est plus le cas.
    Il se tut brusquement. Le serviteur était revenu suivi d’un esclave, chacun portant un lourd plateau, l’un chargé d’oranges, de figues sèches, de noix et de dattes, l’autre d’une cruche et de coupes. Ils posèrent le tout sur la table basse devant leur maître puis, tandis que l’esclave disparaissait, le serviteur présenta à chacun une coupe d’eau glacée où flottaient des pétales de rose et des feuilles de menthe.
    — Ça ira maintenant ! Laisse-nous, ordonna Khalil qui cherchait à rassembler ses idées.
    Son regard devint plus flou. Il remontait dans le temps, revivant les événements de ces seize dernières années.
    — Après la mort de Georges d’Antioche, dit-il, l’émir Philippe de Mahdiyya a obtenu le poste d’amiral, cela tu le sais. C’était le poste le plus important du royaume et Philippe ne s’est pas rendu compte que c’était aussi l’un des plus enviés. Il faut dire qu’il n’avait alors qu’un souci : prouver à tous et surtout à Roger II qu’il était le meilleur.
    — Ce qui était d’une grande maladresse. Je commence à comprendre, murmura Hugues.
    — En 1153, il s’est emparé d’Annaba. À cette occasion, beaucoup lui ont reproché sa clémence. Ses cales étaient pleines de prisonniers et dès son retour à Palerme, ses ennemis, et ils étaient nombreux, l’ont accusé d’avoir trahi la foi chrétienne et d’être un crypto-musulman. Une manœuvre des Lombards pour le discréditer aux yeux du roi.
    — Roger II n’est-il pas intervenu pour le défendre ? demanda Hugues.
    — Je crois que même le roi lui en voulait de sa victoire. Philippe n’avait pas l’intelligence politique de Georges d’Antioche. Quand ce dernier remportait une victoire, c’était celle de Roger II. Tu imagines la suite... Cela a été la curée.
    — Tu as assisté à tout cela, murmura Hugues.
    — Oui, et par Allah, d’un peu trop près à mon goût. Tu sais quelle était ma fonction à l’époque. Au cours du procès, Philippe a fait appel à la clémence du roi. En vain. Son châtiment a été à la hauteur de la faute qu’on lui reprochait. Ses bourreaux l’ont attaché à un cheval qui a traversé la ville et dont la course folle s’est arrêtée aux marches du palais.
    L’émir semblait revivre la scène, c’est dans un souffle qu’il jeta ces derniers mots :
    — Son corps n’était plus qu’une vaste plaie, ses membres étaient disloqués mais il vivait encore. Ils l’ont traîné jusqu’au bûcher et brûlé vif.
    Le silence retomba dans la pièce.
    — Le lendemain, j’ai demandé au roi de

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