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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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bien vouloir me recevoir. Il pleurait la disparition de Philippe.
    — Il était certainement sincère, remarqua Hugues. Roger était un homme complexe, tu le sais.
    — J’aurais préféré qu’il le sauve, rétorqua Khalil. Ce jour-là, je lui ai demandé la permission de me retirer de la Légion arabe. Il a accepté. Je ne l’ai plus jamais revu vivant.
    Hugues hocha la tête. Puis l’émir reprit :
    — D’une certaine façon, l’âge d’or est fini. Nous autres musulmans le savons. Seul le grand roi était capable de maintenir l’harmonie entre Grecs, Hébreux, Arabes, Normands et Latins.
    — Tu me parais bien désabusé, mon ami.
    — Les derniers événements me donnent raison.
    — Explique-toi.
    — Au début de cette année, nous avons perdu Sfax, et la plupart de nos colonies africaines ont été détruites, ou sont en passe de l’être. Tu as su qu’on avait tenté d’assassiner Maion de Bari et que l’insurrection avait gagné Palerme ?
    — Oui. Conduite par Geoffroi de Montescaglioso.
    — Le roi a battu les rebelles et est parti reconquérir les Pouilles qui lui échappaient, mais son but était aussi de forcer le pape Adrien IV à le reconnaître, lui et ses possessions.
    — C’était sage, car que serait le royaume normand sans l’appui du pape ? Mais pourquoi parlais-tu des Lombards avec tant de vivacité ?
    — Ils veulent éliminer les musulmans de la Cour, mais plus encore de la Sicile.
    — L’accusation est grave.
    — Que ce soit pour les chrétiens – vois ce qui se passe ici – ou chez les musulmans – regarde la chute d’Edesse et l’avancée de Nûr al-Dîn –, la demeure du traité, le Dâr as-Sulh , où chacun tolère la présence de l’autre, n’est plus qu’un souvenir. Le temps du jihâd, de la guerre sainte, est venu. Partout les relations se durcissent. En vivant à nouveau parmi nous, tu le comprendras. Je te prédis, mon ami, que nous finirons rejetés à la mer et que nos poètes n’auront plus qu’à chanter le désespoir et la mélancolie d’avoir perdu la Khalisah !
    L’émir se tut. Hugues se perdit dans ses réflexions. Le regard de Tancrède passait de l’un à l’autre. Il avait tant à apprendre sur ce nouveau pays qui était celui de sa naissance ! Bien qu’il ait étudié l’arabe, des mots lui échappaient et, avec eux, les idées qu’ils recouvraient. Il allait falloir que son maître lui explique le sens profond des paroles de l’émir. Il se souvenait juste que la Khalisah, l’Élue, était le quartier où avant l’arrivée des hommes du Nord vivaient l’émir de Palerme et sa cour. Tancrède songea que la Sicile avait eu bien des maîtres : Phéniciens, Corinthiens, Romains, Ostrogoths, Grecs, Arabes... et qu’aucun d’entre eux n’avait renoncé volontairement à ses charmes.
    Khalil parut revenir à lui.
    — Mais je ne suis pas un hôte très joyeux, pardonnez-moi.
    L’émir regarda la position du soleil dans le jardin intérieur.
    — Nous n’avons pas vu le temps passer, déjeunons, voulez-vous ?
    23
    L’émir avait frappé dans ses mains, faisant réapparaître le serviteur.
    — Va chercher Sélim, et porte-nous du vin grec.
    L’homme s’en alla et réapparut bientôt avec un plateau sur lequel étaient posés des calices d’argent finement ciselés et une cruche. Derrière lui venait un homme coiffé d’un turban, le visage très sombre, mince et élégant malgré la grossièreté de la robe de laine qu’il portait à même la peau.
    — Je vous présente Sélim de Bagdad, il n’y a pas de meilleur cuisinier que lui. Il me régale de son art depuis une dizaine d’années.
    L’homme s’inclina en réponse aux saluts d’Hugues et de Tancrède.
    — Que proposes-tu à nos hôtes, Sélim ?
    — J’ai quelques magnifiques poulets qui macèrent depuis hier soir. Je les couperai en morceaux, les ferai griller avec de l’huile de sésame, ensuite je pourrai vous les préparer ainsi qu’il vous plaira à la pistache, à la confiture de roses, à l’orange...
    — Un peu de tout cela, Sélim. Et après ?
    — Je grillerai des poissons que j’enduirai d’une mince couche de farine, avant de les servir avec des citrons confits, des graines de pavot et quelques boutons de rose. Pour les légumes, d’abord une soupe aux pois relevée d’huile de noix, puis des asperges plus charnues et goûteuses que celles de Damas et des aubergines grillées avec du lait. Enfin, pour finir,

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