Le Hors Venu
interdisait sa porte et il n’osait enfreindre son commandement... Il chantonnait quand elle lui avait ouvert, s’apprêtant à la prendre dans ses bras, mais s’était arrêté net en voyant son air sévère.
— Cesse, veux-tu ? J’ai à te parler, avait-elle dit.
Son expression décidée n’augurait rien de bon.
D’Avellino avait obéi, se demandant avec inquiétude ce que sa sœur et amante lui réservait.
— J’aime Hugues de Tarse.
Marco, qui avait collé son oreille à la porte, avait juré.
— Et il m’aime, avait poursuivi Judith. Nous allons nous marier et j’irai vivre dans son palais.
Pendant un court instant, le chevalier était resté muet, songeant même qu’elle plaisantait. Leur liaison ne pouvait s’achever ainsi.
— Tu as bien compris, mon cher frère, je vais te quitter.
— Tu ne peux pas me faire ça ! s’écria d’Avellino. Tu mens ! Ce n’est pas possible. Je te l’interdis !
— Tu me l’interdis ?
Judith avait giflé son frère, qui se jeta sur elle. Ils roulaient à terre, poussant des hurlements de rage. Au début, Marco avait cru que ce n’était qu’une joute amoureuse qui finirait par une étreinte passionnée mais, rapidement, il avait compris qu’il n’en était rien. Quand il avait fait irruption dans la chambre pour les séparer, Judith, armée d’un couteau, allait frapper son frère. Le lendemain, Judith avait disparu et Bartolomeo, fou de douleur, hurlait comme un animal blessé.
Le soir même, Hugues s’était présenté à la porte du palais pour demander la main de Judith à son ami. Bartolomeo n’avait pas voulu le recevoir, mais lui avait fait remettre un message pour sa sœur. Une journée était encore passée, une journée que d’Avellino vécut comme un enfer, refusant de s’alimenter, brisant tout ce qu’il pouvait dans la maison, allant jusqu’à se frapper le crâne contre les murs pour arrêter de penser à celle qu’il imaginait dans les bras de son meilleur ami. Enfin, Judith revint accompagnée d’Hugues de Tarse. Celui-ci avait attendu dans la rue pendant que la jeune femme marchait dans le jardin au côté de son frère.
— Je connais Hugues mieux que toi, avait conclu Bartolomeo. Il est des choses qu’il ne saurait supporter. L’une d’elles étant d’apprendre que sa future épousée couche avec son propre frère.
— Tu ne ferais pas cela !
— Crois-tu ?
— Je te haïrais jusqu’à la fin de mes jours !
— Que crois-tu que je choisisse entre ta haine et ton indifférence ? Tu n’as pas le choix, tu es à moi, corps et âme, et cela depuis le jour de ta naissance.
Judith s’était enfuie, le laissant indécis. Le lendemain, il avait appris qu’Hugues avait emmené sa sœur. On murmurait déjà que le mariage aurait lieu dans les jardins de Maredolce et que le roi offrirait de somptueux présents aux jeunes époux.
Comprenant qu’il avait tout perdu, et déterminé à les tuer, Bartolomeo avait décidé de se lancer à leur recherche. Il n’eut pas à le faire car deux jours plus tard, ce fut Hugues lui-même qui lui ramena sa sœur. Il était livide et dans ses yeux brillait une lueur de folie. Poussant Judith en larmes dans les bras de son frère, il avait jeté :
— Je te rends ta... sœur.
Il avait hésité sur ce dernier mot et d’Avellino avait compris qu’il savait tout. Le lendemain, Bartolomeo trouvait sa sœur pendue à l’un des arbres du jardin.
La nouvelle s’était ébruitée, et il avait dû se résoudre à laisser les hommes du roi jeter son corps à la fosse commune. La nuit suivante, il était parti l’exhumer avec Marco afin de la mettre à l’abri dans le mausolée familial, au fond du jardin. Puis il avait commandé une statue à l’effigie de celle qu’il aimait toujours aussi passionnément. Bientôt, le lierre masqua l’ouverture de la grotte. Marco y entretenait la flamme d’une lampe à huile. Sa petite Judith avait toujours eu peur du noir.
Un bruit de sanglots dans la chambre à côté ramena l’homme à la réalité. C’était cette Eleonor de Fierville qu’il avait détestée dès qu’il l’avait vue. Il se souvenait de la joie de son maître quand il avait appris qu’Hugues la cherchait dans toute la Sicile...
— Je l’ai senti pendant la traversée, lui avait-il dit. Il avait une façon de la regarder et surtout de l’éviter qui ne lui ressemblait guère.
... De ses éclats de rire quand le comte de Marsico lui avait
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