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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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sais, fît-il, troublé qu’elle s’adresse à lui.
    — Où est votre fief Anaor ? C’est un nom que je ne connais pas.
    — En plein cœur du royaume de Sicile, au-dessus du Val di Noto, ma dame.
    Elle réfléchit, puis secoua la tête. Tancrède se détendit un peu. Depuis qu’ils étaient seuls, des émotions transparaissaient sur son beau visage, elle devenait plus humaine, plus accessible aussi. Elle confessa, non sans mélancolie :
    — Savez-vous que je ne connais de la Sicile que les demeures du roi ? Le harem n’a pas de secret pour moi, bien sûr, ni le palais de Maredolce, pour le reste... La Sicile est-elle belle, messire ?
    — Je ne la connais guère, ma dame, avoua-t-il, je n’y suis que depuis peu, mais oui, je le crois. Syracuse est une cité magnifique et apercevoir notre Mongibello, l’Etna, crachant ses flammes, est inoubliable. Oui, la Sicile est belle. Mais d’où venez-vous, ma dame ?
    La courtisane ne parut pas l’avoir entendu, elle murmura :
    — J’ai vécu dans une cage toute ma vie. Comme ces oiseaux que l’on enferme pour mieux pouvoir les contempler. J’aurais dû me tuer alors ou essayer de m’enfuir, mais je ne l’ai pas fait.
    Tancrède entendit fuser des ordres dans la grande salle, en contrebas. Il s’approcha du balcon, maintint d’une main les plis du rideau et laissa passer Théodora qui l’avait suivi. Ses yeux croisèrent un instant ceux du jeune homme qui se demanda comment son maître pouvait rester insensible à tant de charme. Ils s’accoudèrent à la rambarde de pierre et leurs regards plongèrent vers le harem.
    Ce qu’ils apercevaient était bien différent de la vision qu’en avait eue le jeune Normand quelques heures auparavant.
    Les énormes lustres, recouverts de bougies, avaient été allumés. Dans le jardin, les lueurs de dizaines de torches allaient et venaient. Dans un angle de la salle, toutes les esclaves, ainsi que quelques courtisanes avec leurs enfants, étaient rassemblées sous la garde d’eunuques. On entendait des murmures, des protestations et les pleurs des petits que ce déploiement de force effrayait.
    Théodora se pencha davantage. La lumière des lustres ruissela sur elle, faisant scintiller ses bijoux et l’or de sa robe. De là, elle voyait tout, et tous la voyaient. Une femme la désigna du doigt, puis une autre, une jeune esclave se glissa discrètement dans les rangs de ses compagnes et réussit à échapper à la surveillance de l’eunuque.
    — Je n’étais qu’une enfant quand on m’a amenée ici, reprit la Byzantine. Si, au moins, les Normands avaient demandé une rançon... ma famille l’aurait payée et je serais rentrée chez moi, à Byzance. Mais ils ne l’ont pas fait. Et je suis devenue celle que vous voyez aujourd’hui. Croyez-vous qu’en d’autres temps vous m’auriez aimée, sire d’Anaor ?
    Elle l’avait frôlé. Ils étaient si proches, épaule contre épaule, qu’il sentait la chaleur de son corps contre le sien. Les mots s’étranglèrent dans sa gorge. Il se recula d’un pas.
    — Pourquoi n’avez-vous pas voulu vous confier à mon maître, ma dame ? demanda-t-il après avoir recouvré un semblant de calme.
    — Vous croyez donc, vous aussi, que j’ai quelque chose à cacher, messire ?
    — Je ne sais, ma dame. J’espère de tout cœur que vous êtes sincère et que je pourrai bientôt vous rendre votre liberté.
    — Ma liberté ? Personne ne me la rendra, messire, sauf moi-même.
    — Pardon, ma dame, s’excusa-t-il, réalisant qu’il ne pourrait lui rendre que la possibilité d’aller et venir dans le harem.
    Dans la salle en bas, le silence revenait. Les soldats commençaient à fouiller les appartements. Bientôt, ils visiteraient les réserves et les cuisines.
    — Sire d’Anaor, déclara soudain la Byzantine, je vous crois homme d’honneur. Pourriez-vous m’accorder une faveur ?
    — Oui, ma dame.
    Elle hésita, arrangea ses boucles brunes, les plis de sa robe et les colliers qu’elle portait au cou.
    — Promettez-moi de dire à Gamaliel que je l’aimais !
    — Mais, je ne sais pas qui est Gamaliel... commença le jeune homme, interloqué.
    Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase, la Byzantine s’était jetée dans le vide.
    Son corps tomba comme une pierre avant de s’écraser quelques toises plus bas en touchant le dallage. Des hurlements stridents retentirent, puis ce fut le silence. Incapable de bouger, la gorge serrée,

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