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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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frère de sang, Hugues de Tarse. Venez.
    Il la saisit avec brutalité par le poignet et l’entraîna vers le couloir, refermant derrière lui.
    Quelques instants plus tard, Eleonor était à nouveau dans sa chambre. Elle se jeta tout habillée sur son lit, incapable de rassembler ses idées et encore plus de dormir. Une vague nausée lui soulevait le cœur, le visage de mosaïque l’obsédait et les paroles de Bartolomeo résonnaient sous son crâne : « Elle devait épouser Hugues de Tarse. »
    Que s’était-il passé seize ans auparavant ? Pourquoi Hugues ne lui avait-il jamais parlé de Judith, lui qui s’était tant confié ? L’avait-il aimée ?
    47
    Marco entra dans la chambre de Judith, se perdant un moment dans la contemplation de son portrait avant de vérifier que tout était en ordre. Il détestait qu’un autre que son maître pénètre ici. Retirant une fleur fanée, arrangeant les plis du voile sur le coffre, tirant sur la courtepointe, il s’activa, répétant les gestes de chaque jour.
    Depuis la mort de la damoiselle, alors que le reste du palais s’ensevelissait dans la poussière et l’oubli, que d’Avellino cherchait Hugues de Tarse en Sicile d’abord, puis en Italie du Sud et jusqu’en Normandie, c’est lui qui avait veillé sur la chambre et entretenu l’allée menant à la statue et au mausolée. À plusieurs reprises, il avait empêché son maître de se suicider, lui insufflant ce désir de vengeance qui les maintenait en vie.
    Car Marco ne faisait qu’un avec Bartolomeo.
    Les parents de d’Avellino étaient morts jeunes et c’était à Marco, le parent pauvre, le lointain cousin, ancien soldat d’élite, qu’était échu le rôle d’élever le frère et la sœur. Il était devenu leur père, leur esclave, leur âme damnée. Grâce à leur fortune, ils avaient vécu des années heureuses dans ce magnifique palais dont les hauts murs les avaient protégés de la folie du monde.
    Il y avait tant de souvenirs ! Les enfants s’étaient transformés en adultes aux corps parfaits, aux visages arrogants de beauté. Parfois, quand ils s’enfermaient dans cette chambre pendant de longues heures pour des jeux qui n’étaient plus ceux de l’enfance, il les observait caché par une tenture, dissimulé derrière une porte. De quel droit aurait-il empêché le frère et la sœur de se donner l’un à l’autre ?
    Tout en surveillant leurs ébats, il se disait qu’ainsi leur vie à tous trois ne changerait jamais, que personne ne les lui enlèverait. Ils n’avaient qu’à s’aimer et lui à les protéger. De plus, Marco, qui n’avait connu que des putains à soldats, s’était juré qu’aucun autre homme ne porterait la main sur le corps que Judith exhibait avec fierté. Elle aimait qu’il la lave comme quand elle était petite, et parfois elle guidait sa main vers ses seins dressés ou ses cuisses et éclatait de rire en le voyant rougir. Une enfant, son enfant.
    C’est alors qu’Hugues de Tarse était apparu. Bartolomeo s’en était entiché jusqu’à échanger son sang avec lui, à délaisser sa maison et à partir au-delà des mers jusqu’en Orient. Marco n’avait jamais aimé Hugues. Il détestait son regard, son calme, la perspicacité de ses jugements, la façon dont son maître et bientôt sa maîtresse le regardaient.
    Au début, cela avait été un jeu entre le frère et la sœur, chacun aiguillonnant l’autre, attirant leur invité à tour de rôle avant de se retrouver pour des étreintes passionnées. Après leur retour d’Orient, pourtant, tout avait changé. Judith en avait voulu à son frère de sa longue absence. Et les regards songeurs qu’elle portait sur Hugues n’étaient plus les mêmes. Elle se troublait devant l’Oriental qui, lui-même, était devenu plus assidu, proposant des chevauchées jusqu’au palais de Maredolce ou dans le Parco Nuovo, offrant des cadeaux, dînant presque chaque soir avec eux. Grâce à son influence, le frère et la sœur avaient été présentés à Roger II. Au grand déplaisir de Marco, leur univers protégé s’était lentement délité.
    Bartolomeo passait de longues heures en salle d’armes avec Hugues. Judith devenait silencieuse et se refusait obstinément à son frère. Cela avait duré un moment ainsi, et puis un soir, Judith avait demandé à Bartolomeo de la rejoindre.
    Marco s’en souvenait encore. Le jeune homme souriait en montant les marches quatre à quatre. Depuis un mois, sa sœur lui

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