Le Hors Venu
quelque confusion dans l’esprit de celui ou de celle qui vous a fait cette révélation.
— Pourquoi une confusion ?
— Il m’arrive de recevoir des eunuques ou des serviteurs pour leur donner des instructions. Le harem est parfois difficile à gérer, n’est-ce pas, cher Pierre ?
Elle s’était tournée vers le caïd qui s’empressa d’acquiescer.
— Vous recevez toute la nuit, ma dame ?
— Non, bien sûr.
— Revenons à cette nuit-là, voulez-vous ?
Hugues marqua une pause. Un courant d’air souleva le voile.
— Il faisait très chaud. Tout le monde dormait dans le palais. Philippe se rendait au harem. A-t-il entendu un bruit ? A-t-il vu le visage de son assaillant ? A-t-il compris qu’il allait mourir au moment où le poignard se plantait dans sa chair ?
La Byzantine avait pâli. Le caïd Pierre, mal à l’aise, s’agita sur son siège.
— Le meurtrier lui a dérobé son trousseau de clés et a pénétré dans le harem, continua Hugues, imperturbable. Il y a là une étrange coïncidence, ne trouvez-vous pas, dame Théodora ? Entre le fait qu’on ait tué pour entrer dans le harem et cette visite d’un homme à vos appartements ! Sans être devin, on peut relier tout cela et penser qu’il s’agit de la même personne.
— Je ne vous comprends pas, messire, répliqua la Byzantine. Mais j’ai peur qu’il n’y ait là quelque vengeance personnelle. Je n’ai pas que des amies au sein du harem. Si vous me disiez qui a porté ces accusations, je pourrais faire des réponses plus pertinentes.
— Je ne vous dirai pas son nom, Théodora.
— Croyez-vous que je sois incapable de le deviner ? Malgré toute la discrétion de Pierre, je sais que vous avez reçu Rochésie, puis Amina. Ce n’est pas cette enfant, donc... Pourquoi accorderiez-vous plus de crédit à Amina qu’à moi-même ? s’insurgea soudain la courtisane qui avait rapidement repris le dessus. C’est ma parole contre la sienne.
— Je n’ai pas l’impression que vous compreniez bien ce que vous risquez. Il suffira d’un mot de l’émir pour que vous soyez jetée en prison sans jugement. Une fois là... Je ne sais si vous avez idée de ce qui s’y passe.
En cet instant, Théodora songea à Gamaliel. Oui, grâce à son amant, elle savait ce qui s’y passait et elle venait de répondre en pensée à la question qui la torturait depuis qu’il s’était réfugié près d’elle. Que choisirait-elle ? La trahison ou cette vie de luxe dans les ors et la soie ? Elle n’avait plus besoin de son miroir pour guider sa conduite.
— Je ne risque pas grand-chose, messire, répliqua-t-elle avec un mélange de fierté et de lassitude. Je ne suis rien et ne possède rien.
Elle semblait soudain tellement inaccessible qu’Hugues se tut. Il était à la fois sûr qu’elle lui cachait quelque chose et qu’elle ne parlerait pas. Elle était d’une autre race qu’Amina ou Rochésie et il ne put s’empêcher de l’admirer.
D’autres qu’Hugues l’auraient peut-être fait avouer par la force, lui se tourna vers l’eunuque.
— Caïd Pierre ! Dites au maître capitaine du palais que je désire le voir, voulez-vous ? Qu’il vienne avec des hommes armés. Quant à vous, je vous prierai de rassembler tous vos eunuques. Nous allons fouiller le harem.
49
Malgré l’heure avancée, la fouille avait commencé et elle ne ressemblait en rien à la précédente. Simon, désireux de faire oublier ses erreurs, avait choisi avec soin ses officiers, de vieux militaires que les rires et les moqueries des courtisanes ne troublaient pas et qui avançaient en ligne, armés comme pour la guerre, munis de torches. La chasse au fauve était ouverte. L’homme qu’on traquait était un meurtrier, ils devaient le débusquer et le capturer, vivant si possible.
Hugues, Simon et le caïd Pierre dirigeaient les opérations, faisaient, malgré les protestations des femmes, ouvrir les coffres, repousser les tentures et les coussins, retourner les matelas. Théodora, bien qu’ayant demandé à les accompagner, avait dû rester sous la surveillance de Tancrède.
Le jeune homme, mal à l’aise, essayait de se persuader qu’elle était coupable et, qui sait ? dangereuse. Le silence lui pesait, alors il se mit à marcher de long en large sans la quitter des yeux.
— Je ne suis qu’une favorite, messire d’Anaor, pas une criminelle, remarqua-t-elle en arrangeant les plis de sa robe.
— Oui, ma dame, je le
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