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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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s’occupait que de dépenser la fortune de sa famille. Quelles sortes d’affaires ?
    — Il est proche du pouvoir. Enfin, il le paraît, tout du moins. Il a ses entrées au palais et chez l’émir des émirs, comme vous vous en êtes aperçu.
    — C’est vrai... Et cela m’a étonné. Le d’Avellino que je connaissais ne songeait pas à tout cela.
    — C’est un homme mystérieux, messire, et dont je ne comprends pas les desseins. Tantôt il est au côté de Maion de Bari, tantôt...
    Le Chypriote baissa la voix comme si on pouvait l’entendre.
    — Tantôt il donne de l’argent aux barons rebelles et protège en secret le jeune de Lecce, celui qui pourrait succéder à Guillaume I er si le roi venait à disparaître.
    — Quel est le lien avec toi ?
    — Les renseignements...
    Le marchand se troubla sous le regard de celui qui lui avait sauvé la vie.
    — Je vends des soieries et des damas, messire... mais je vends aussi tout ce qui se dit tout bas et se murmure, s’écrit en secret, se passe dans l’ombre, en cachette... Messire, si grâce à vous je sors du guêpier où je me suis fourré, je jure de vous aider et de ne jamais plus toucher à rien d’autre qu’à mes coupons de tissus.
    — Tu parles de m’aider à sauver Eleonor ?
    — Pas seulement, messire, je parle de l’enquête que vous menez au palais pour le compte de l’émir des émirs.
    Quelque chose dans l’agencement des mots que venait de prononcer Ibrahim, ou dans ces mots eux-mêmes, éclaira soudain Hugues. Alors que le marchand continuait à parler, coupant son discours d’invocations à Allah, l’Oriental comprit enfin le ou plutôt les pourquoi du vol de la couronne et s’étonna de n’avoir pas saisi plus tôt la machination qui se tramait derrière.
    Puis le marchand ajouta, cette fois sans plus une once d’équivoque :
    — Il fallait des renseignements précis à celui qui s’est introduit dans la salle du Trésor, comme les tours de garde et bien d’autres choses encore que seul pouvait fournir quelqu’un... comme moi, acheva le Chypriote.
    — Prépare-toi à nous accompagner chez d’Avellino, Ibrahim. Et envoie un messager prévenir le duc Ruggero Sinibaldo, qu’il nous rejoigne avec des hommes sûrs.
    — Mais je ne bouge jamais de chez moi, messire ! s’inquiéta le gros homme. Je ne peux pas, je...
    Le regard terrible d’Hugues le dissuada de poursuivre. Il tira sur un cordon pour appeler son serviteur.
    — Fais préparer ma voiture !
    Bien que surpris par cette demande inhabituelle, la voiture n’étant pas sortie depuis des années, l’homme hocha la tête et fila vers l’auberge voisine qui gardait leurs chevaux.
    — Ton homme, l’Esclavon, est là-bas, m’as-tu dit ?
    — Oui, messire.
    — Tu nous rejoindras avec ta voiture et tu attendras que l’on t’ouvre les portes pour entrer. Si jamais les choses tournaient mal, alors, mon ami, tu n’auras plus qu’à gagner l’al-Andalus pour sauver ta peau !
    61
    L’aube pointait quand Hugues de Tarse sonna à la poterne du palais d’Avellino. Ces murs immenses et noirs lui rappelaient tant de souvenirs... Une partie de lui-même était morte ici, qu’il n’aurait jamais pensé possible de ranimer. Pourtant, Eleonor de Fierville se trouvait derrière ces sinistres pierres, si proche sans doute que le cœur de l’Oriental battait plus fort qu’il ne l’avait fait depuis plus de seize années.
    Le silence avait répondu à l’appel de la cloche et pendant un instant, Hugues crut qu’il était arrivé trop tard. Il imagina le palais vide, d’Avellino loin de Palerme, et Eleonor... Il ferma les yeux, à la fois sous le coup de l’angoisse et de la douleur dans son flanc.
    Le guichet s’ouvrit enfin en grinçant, laissant apparaître la figure de Marco.
    — Que voulez-vous ? fit celui-ci d’un ton revêche.
    — Ton maître le sait, Marco. Ouvre ! ordonna Hugues.
    Le guichet se referma, les pas s’éloignèrent. Un moment passa.
    Le soleil s’accrochait aux faîtes des toits et commençait à s’enfoncer dans l’ombre dense des ruelles, chassant la fraîcheur de la nuit.
    La poterne s’ouvrit. Marco lui fit signe de le suivre. Hugues franchit le seuil et pénétra dans la cour.
    « Le palais n’a pas changé », songea-t-il avant de remarquer les lézardes qui couraient sur la façade, les tuiles cassées, les dalles ébréchées et la mousse qui rampait partout. Passé une première porte, il se

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