Le Huitième Péché
moitié. En liquide et en petites coupures pour plus de discrétion.
Soffici se tortillait sur sa chaise. Il savait pertinemment qu’il aurait bien du mal à trouver un autre client pour ce bout d’étoffe, quelqu’un qui serait prêt à payer deux cent cinquante mille dollars pour quelques centimètres carrés de tissu.
— D’accord, dit-il en tendant la main à Anicet, deux cent cinquante mille dollars.
Anicet ignora la main tendue et regarda son interlocuteur par en dessous.
— Quand pouvez-vous livrer la marchandise ? demanda-t-il, ayant recouvré son sang-froid.
— Si vous le voulez, demain vers onze heures. Mais pas d’entourloupe !
— Vous pouvez compter sur moi, répondit Anicet qui n’en pensait pas moins.
43
L ’hôtel Krone était installé dans une maison à colombages flanquée d’oriels et de tourelles, qui donnait directement sur les rives du Rhin. La chambre que Soffici avait réservée proposait un confort à l’allemande typique : ravissante penderie blanche et secrétaire Biedermeier d’un goût exquis placé contre le mur côté fenêtre. Des péniches allaient et venaient sur les eaux tranquilles du fleuve, mais Soffici se désintéressait totalement de ce cadre romantique.
Il se coucha tôt, comme à son habitude. Il ne parvint cependant pas à s’endormir tout de suite. D’abord à cause du bruit des trains qui passaient sur les deux rives du fleuve, et ensuite parce qu’il se demandait si ses plans allaient vraiment aboutir. Il n’était pas cet homme de marbre qu’il avait feint d’être devant Anicet. Il avait la gorge nouée à l’idée que tout puisse encore échouer à la dernière minute.
Vers 3 h du matin, il finit néanmoins par sombrer dans le sommeil. Lorsqu’il se réveilla, il était 8 h 30. Il commanda un petit-déjeuner copieux et passa en revue les échéances qui l’attendaient. Il ne devait pas être possible que quelque chose aille de travers.
Soffici descendit vers 10 h dans le hall. Feignant l’oisiveté, il s’assit dans un canapé d’où il pouvait observer l’entrée de l’hôtel.
Il attendait depuis environ vingt minutes lorsqu’une voiture blanche de la FedEx s’arrêta devant l’entrée. Le chauffeur monta les marches quatre à quatre et, quand il entra dans le hall, on l’attendait déjà.
— Je m’appelle Giancarlo Soffici.
Le coursier le regarda avec méfiance.
— Avez-vous une preuve de votre identité ?
— Oui, naturellement, répondit Soffici en lui tendant son passeport.
Le chauffeur jeta un regard sur la photo, puis dévisagea son interlocuteur.
— C’est bon, vous pouvez signer le reçu.
Soffici laissa échapper un soupir de soulagement, signa et prit le paquet.
— Bonne journée, dit l’employé de FedEx en prenant congé.
— C’est l’avenir qui nous le dira, murmura Soffici dans sa barbe.
Il se retournait pour regagner sa chambre lorsqu’il se figea soudain, comme la femme de Loth à la vue de Sodome. Le cardinal Moro se tenait devant lui en compagnie de son secrétaire, monsignor Abate, tous deux vêtus de flanelle grise. Abate gardait les yeux baissés, comme si cette rencontre le mettait mal à l’aise. Un sourire cynique dansait sur les lèvres de Moro.
— Quelle métamorphose, remarqua-t-il en jetant un regard sur les cheveux rasés de Soffici.
— Comment m’avez-vous trouvé ? demanda Soffici dans un souffle sans tenir compte de la remarque de Moro.
— Nous avons reçu des informations de la police qui nous a fait savoir que vous aviez quitté l’Allemagne. Mais nous serons mieux dans votre chambre pour parler de tout cela !
Soffici regarda autour de lui.
— Je ne vois pas de quoi nous devrions parler. De plus, j’ai un rendez-vous. Alors, vous voudrez bien m’excuser, monsieur le cardinal…
Soffici se dirigea vers la sortie de l’hôtel, mais Moro lui barra le passage.
— Vous ne souhaitez pas faire de scandale, n’est-ce pas ? Alors… lui dit Moro en pointant sa main vers l’escalier.
— Pourquoi parlez-vous de scandale ? explosa Soffici.
— Je vais vous le dire, monsignor ! Vous avez mis en scène votre propre enlèvement et celui du cardinal secrétaire d’État Gonzaga. Ce dernier souffre d’un grave syndrome de stress. Il est désormais suivi par un psychiatre. Vous avez volé le véhicule de fonction du cardinal et l’avez fait passer à l’étranger avec une fausse plaque minéralogique. Soffici, Soffici, vous êtes
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