Le Huitième Péché
très restreint de ceux qui connaissaient l’existence de ces moyens de surveillance.
Keller alluma son portable sans un mot. La Pietà de Michel-Ange s’afficha sur l’écran. Un groupe de touristes accompagné d’une guide se trouvait devant le chef-d’œuvre.
Les yeux plissés, Gonzaga et Canella suivaient les images qui défilaient en accéléré.
— Là ! s’exclama Keller en faisant un arrêt sur image.
La silhouette d’un homme apparaissait à droite de l’écran. Son visage défiguré était parfaitement reconnaissable. Pas de doute : il s’agissait de Frederico Garre, alias Gueule-brûlée. Keller fit défiler les images.
Sur l’écran, Gueule-brûlée se retournait à plusieurs reprises, sans doute pour s’assurer qu’on ne l’observait pas. Puis il s’approchait d’un inconnu avec lequel il avait de toute évidence rendez-vous à cet endroit.
— Messieurs, connaissez-vous cet homme ?
— Non, répondirent Gonzaga et Canella en chœur.
— Mais, continua le cardinal secrétaire d’État, en ce qui concerne l’homme au visage brûlé, il s’agit sans aucun doute de ce Frederico Garre dont on a retrouvé le cadavre dans la fontaine de Trevi.
— Un instant, interrompit Canella, qui sortit le passeport à moitié brûlé de sa mallette.
Il plaça la photo très endommagée à côté de l’écran, avant de dire avec une certaine réticence :
— Il est possible que vous ayez raison, Éminence. En ce qui me concerne, je ne suis pas aussi sûr que vous. Et, si vous me permettez cette question, comment se fait-il que vous soyez si convaincu que cet homme est bien Frederico Garre. Vous ne le connaissez pas, après tout.
— Bien sûr que non, répondit Gonzaga. Je n’ai jamais vu cet homme vivant.
— Vous dites cela sur un drôle de ton !
— Eh bien, oui, répondit le cardinal, embarrassé par la situation. Je vous dois une explication. Lorsque les journaux ont parlé de ce cadavre découvert dans la fontaine de Trevi, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait de mon secrétaire privé Giancarlo Soffici. Il avait disparu sans laisser aucune trace depuis plusieurs jours. Craignant le pire, je me suis rendu à l’Institut médicolégal universitaire. Mais le cadavre que le médecin légiste m’a montré n’était pas celui de Soffici. C’était celui de cet homme.
Gonzaga tapota assez violemment l’écran du bout du doigt.
— Et comment savez-vous son nom ? demanda Canella en observant le cardinal à la dérobée.
— Son nom ? J’ai vraiment dit son nom ? s’enquit Gonzaga en bégayant.
— Vous avez dit : Frederico Garre, ou quelque chose comme cela.
— Ah oui, je me souviens maintenant. Quelques jours après la parution de cet entrefilet dans la presse, le Messagero a rapporté que l’homme de la fontaine de Trevi avait été identifié et qu’il s’agissait d’un professionnel du crime connu depuis longtemps des services de police, un certain Frederico Garre. Oui, c’est cela.
Keller, le chef de la sécurité, avait écouté en silence les explications de Gonzaga sans en perdre une miette. Ce que Gonzaga disait là était nouveau pour lui. Pourquoi le cardinal ne l’avait-il pas informé de la disparition de son secrétaire ?
— Permettez-vous que je vous montre les autres enregistrements vidéo ? poursuivit-il finalement.
— Il y en a encore ?
— Oui, Éminence, et ces clichés me semblent plutôt énigmatiques. Ils ont été pris sous un autre angle par une autre caméra.
— Qu’est-ce que vous attendez pour nous les montrer ! s’indigna Gonzaga.
En un clic, les deux mêmes hommes apparurent sur l’écran, dans la nef principale de la basilique Saint-Pierre ; ils apparaissaient de biais et vus d’en haut. Leurs visages et leurs mimiques étaient nettement reconnaissables. Ils semblaient lancés dans une conversation animée. Gueule-brûlée ne cessait de jeter des regards autour de lui.
Debout, appuyés sur la table, Gonzaga et Canella suivaient des yeux les enregistrements lorsque le cardinal se figea soudain, comme touché par la foudre.
Canella, qui ne trouvait pas sur l’écran d’explications à ce brusque changement d’attitude, considéra le cardinal d’un œil méfiant. Le regard fixe, Gonzaga suivait la scène qui montrait Gueule-brûlée tirant un sachet de cellophane de sa poche et le mettant sous le nez de l’inconnu qui l’accompagnait.
L’homme semblait vouloir se saisir du sachet,
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