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Le hussard

Le hussard

Titel: Le hussard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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demi-lieue, dans
le nuage de poudre brûlée. Quand elles virent apparaître les hussards, elles
exécutèrent un mouvement de contraction sur elles-mêmes, passant de la ligne au
carré, seule disposition défensive efficace contre une charge de cavalerie. En
haut de la colline, le commandant Berret ne perdait pas de temps ; son
regard passa un instant des rangs ennemis à l’escadron, il vérifia que celui-ci
était prêt à charger, mit sabre au clair et le pointa vers le carré ennemi le
plus proche.
    — 1 er  escadron du 4 e  hussards… !
Au pas !
    Les cavaliers, alignés maintenant sur deux rangs serrés de
cinquante hommes chacun, commencèrent la descente du versant en pente douce. À
leur droite, le commandant de l’autre escadron, avec des mouvements presque
identiques à ceux de Berret, indiquait de son sabre un carré un peu plus
éloigné.
    De quelque part derrière les lignes espagnoles parvint le
ronflement des boulets et des biscaïens de l’artillerie ennemie, qui
s’enfonçaient dans la terre mouillée avec un claquement sourd avant de soulever
un cône inversé de boue et de mitraille. Frédéric chevauchait devant le premier
rang, ayant à sa gauche Philippo et à sa droite Bourmont. Le commandant Berret
allait devant le porte-drapeau, le trompette-major collé à sa croupe.
Dembrowsky occupait son poste à l’autre extrémité du rang ; si Berret
tombait, ce serait lui qui prendrait la tête de l’escadron. Si Dembrowsky était
mis lui aussi hors de combat, le commandement serait assumé par Maugny,
Philippo et ainsi de suite, par ordre d’ancienneté, jusqu’à Frédéric lui-même.
    — 1 er  escadron… ! Au trot !
    Les chevaux forcèrent la marche, les cavaliers ajustant les
mouvements de leur corps au rythme de leur monture. Frédéric, le sabre toujours
contre l’épaule et les rênes dans la main droite, jetait des regards à gauche
et à droite pour maintenir sa place dans la formation, ce qui l’empêchait de
regarder devant lui autant qu’il l’eût souhaité. Le carré vert sur lequel ils
marchaient était de plus en plus visible entre les tourbillons de fumée de la
poudre ; il n’était plus une masse informe mais prenait son apparence
réelle : des rangs compacts d’hommes formant un carré hérissé de
baïonnettes sur tous ses flancs.
    Les deux escadrons laissèrent la colline derrière eux,
passant devant le bataillon d’infanterie mal en point. Les soldats levèrent
leurs shakos au bout de leurs fusils pour ovationner les hussards, puis
reprirent derechef leur formation et, poussés par leurs officiers, commencèrent
à avancer derrière eux pour pénétrer de nouveau sur le terrain qu’ils avaient
dû abandonner devant l’avance ennemie, marchant encore une fois à travers les
champs semés de camarades morts.
    L’autre escadron s’éloigna progressivement de celui de
Frédéric, son objectif étant une autre formation ennemie, un carré de vestes
brunes qui se trouvait à quelque quatre cents mètres de celui vers lequel se
dirigeaient les cavaliers de Berret. Deux boulets passèrent en vrombissant et
explosèrent sur la gauche, sans causer de dommages. Des balles arrivaient en sifflant,
sans force, tirées de trop loin, et s’enfonçaient dans le sol mouillé.
    Berret leva son sabre et le trompette sonna clair et fort.
L’escadron parcourut encore une certaine distance et s’arrêta, les deux rangs
impeccablement alignés, tandis que les hussards refrénaient leurs montures en
tirant sur les rênes. À moins de deux cents mètres, dans les tourbillons de
fumée, on distinguait parfaitement le carré ennemi, le premier rang genou en
terre, le deuxième debout, tous les deux les fusils pointés sur l’escadron
maintenant immobile.
    Berret agita son sabre au-dessus de sa tête. Répétant la
manœuvre exécutée des centaines de fois au cours des exercices, les officiers
reculèrent pour se placer sur les flancs, tandis que les hussards sortaient les
carabines des fontes d’arçon.
    — 1 re  compagnie… ! En joue !
    À ce moment arriva la décharge ennemie. Frédéric, sur le
flanc gauche de la formation, baissa la tête en voyant le chapelet d’éclairs
courir le long des files espagnoles. Les balles bourdonnèrent de toutes parts,
expédiant plusieurs hussards à terre. Quelques chevaux s’écroulèrent aussi, en
agitant leurs jambes en l’air.
    Imperturbable, très droit sur sa monture, Berret regardait
la formation

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