Le Japon
passait à Kyû Shû dans le sud du pays, et fidèles à des précédents anciens, ont, en 1254, réduit à cinq le nombre des bateaux chinois autorisés à venir chaque année. Néanmoins, les échanges se poursuivaient régulièrement et longtemps ne furent pas affectés par les bouleversements apportés sur le continent asiatique par la conquête mongole.
Le Japon ne s’intéressa nullement aux premiers mouvements de tribus de la Mongolie, au début du XIII e siècle, non plus qu’aux grandes chevauchées vers l’ouest ; mais il n’ignorait pas les expéditions mongoles contre le royaume de Corée, presque annuelles depuis 1231, non plus que la soumission de ce pays, manifestée après 1258 par l’envoi du prince héritier en otage chez le grand Khan, l’extension des postes mongoles à lapéninsule et l’installation d’occupants, d’abord dans le Nord puis dans les provinces du Sud. Le Japon pouvait aussi avoir connaissance des menaces contre l’empire des Song, réduit à la partie méridionale de la Chine. Qoubilai, grand khan à partir de 1260, chef en quelque sorte de la confédération mongole, s’était installé dans le Nord de la Chine ; il était décidé à reprendre contre les Song l’offensive commencée en 1256 et interrompue très vite. Mais ses ambitions en Chine et à l’est de la Chine étaient gênées par la nécessité où il fut, en 1264, puis en 1274 et encore en 1287, de combattre pour maintenir son contrôle sur la Mongolie et conserver sa position de grand khan, même après qu’il eut fondé en Chine la dynastie des Gen (chinois Yuan), dont il fut le premier souverain sous le nom de Seiso (Shizu).
Les Mongols, occupant la Corée, connaissaient donc l’existence du Japon qui s’y manifestait souvent par des activités de piraterie, devenues notables dès le premier quart du XIII e siècle. Il n’est pas étonnant que, dès 1266, ils aient tenté d’entrer en relation avec ce pays ; relation qui, à leurs yeux, ne pouvait être que de soumission à leur empire. Les auteurs japonais ont quelquefois tendance à mettre sur le compte des influences chinoises la volonté des Mongols de créer un empire universel. Cependant la vision chinoise d’un empire universel, fondé sur une civilisation spontanément sentie par les voisins comme unique, supérieure et désirable, diffère profondément de celle des Mongols, née de l’idée religieuse d’un souverain, seul représentant du Ciel dans le monde et réalisant ses desseins par la conquête, sans souci d’imposer quelque religion ou culture que ce soit. Jamais la Chine n’avait exigé du Japon l’envoi d’une ambassade, elle s’était contentée de protester quand lesformes, qu’elle jugeait correctes, n’avaient pas été respectées.
Avec les Mongols, en revanche, il ne s’agissait plus seulement d’envoyer de temps en temps un tribut, auquel pourraient répondre des cadeaux tout aussi importants ; les Mongols seraient en mesure d’exiger, comme en Corée, otages et tributs réguliers. Raison pour laquelle, bien qu’aucun texte ne nous renseigne explicitement sur ce point, le bakufu 4 a obstinément refusé toute négociation. La dynamique conquérante des Mongols, désireux d’atteindre dans tous les sens les limites du monde connu, ne rend pas compte seule de leurs exigences envers le Japon. Qoubilai, en effet, commençait son offensive contre les Song et, au dire d’historiens japonais, jugeait sans doute nécessaire de faire passer le Japon parmi les peuples tributaires pour impressionner les Chinois habitués de longue date à commercer avec l’archipel.
Dans quelle mesure l’arrêt de ces échanges et leur détournement vers les Mongols pouvaient-ils gêner sensiblement les Song ?
Une lettre au Japon, transmise d’ailleurs de fort mauvaise grâce par le roi de Corée, qui savait bien qu’en cas de guerre, son pays, épuisé par des décennies de pillages mongols, devrait fournir un gros effort, n’arriva pas à destination. Une première lettre, reçue en 1268, disait nettement : « Les princes des petits pays doivent entretenir avec nous des relations amicales, nous dont lesancêtres ont reçu le pouvoir d’un ordre du Ciel. » Elle contenait aussi une menace voilée d’intervention armée en cas de refus. Les Mongols patientèrent pendant six ans et n’envoyèrent pas moins de sept lettres, ce qui a permis au Japon de faire quelques préparatifs. Ces lettres étaient
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