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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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grognement d’homme.
    Il était difficile de comprendre comment une telle secte d’illuminés pouvait avoir tant d’ascendant et prendre autant d’ampleur. C’était aussi déconcertant que de voir une nuée de petits papillons de nuit, tous pareils, tournoyer autour d’un seul lumignon. Mais le pire, c’était de découvrir que son père et sa sœur étaient eux aussi devenus de ces papillons.
    Louis s’en voulait pour son état de faiblesse passagère qui, du refuge sécurisant qu’elle avait été, était sans transition devenue le piège qui avait permis sa capture. Il ne cessait de se demander ce qui avait bien pu se produire pour que Firmin et Clémence soient là. Il avait l’impression de vivre un cauchemar où la cruauté de son père se matérialisait de la pire façon. Par le biais des membres tentaculaires de la secte, Firmin était de nouveau parvenu à l’atteindre. Il le tenait encore une fois à sa merci. C’était affreux. Ce ne pouvait être vrai.
    Oubliant qu’il avait voulu mourir, il se disposa à attendre la prochaine occasion de récupérer son levain et de s’enfuir. Cette fois, il se jura bien qu’il allait reprendre suffisamment de forces pour ne pas manquer son coup. Ce nouvel objectif, même s’il n’allait, en définitive, que le ramener sur le sentier errant et solitaire qu’il venait de quitter, l’encouragea. Là, au moins, il pourrait décider de mourir comme un homme dans toute son intégrité, ou de rester debout et d’attendre, de tenir bon jusqu’à ce que chaque chose en ce monde reprenne enfin sa place, pour qu’il puisse de nouveau remettre son levain au chaud sur la tablette cirée du fournil. Mais il se rendait compte à présent que, s’il voulait réellement faire cela un jour, il fallait que Firmin soit neutralisé, et pour de bon. Il n’y avait de place au monde que pour l’un d’entre eux.
    Il ferma les yeux et appuya la tête contre le piquet de la tente. Une chandelle à flamme d’or se mit à répandre sa fortune sur le large rebord d’une fenêtre connue où, auprès d’un petit pichet rond empli à ras bord de miel, une pile de matefaims tendres attendait Églantine. Louis était ceint d’un tablier propre. Il expliquait à sa femme comment, dans sa jeunesse, il en avait préparé de la même façon pour sa mère. Églantine l’écoutait en souriant. La joie de vivre des Bonnefoy avait changé d’adresse ; elle avait désormais élu domicile chez lui et se diffusait sur de nouveaux visages. Y compris le sien. Louis roulait entre ses doigts un fragment de crêpe qu’il donnait à sucer au bébé. La main douce d’Églantine s’élevait pour lui peigner les cheveux par en arrière, exactement comme Adélie avait coutume de le faire.
    Une odeur désormais vaguement familière mais non moins écœurante s’immisça dans le rêve de Louis et le brisa. Mais la main dans ses cheveux, elle, était toujours présente. Elle le caressait encore. L’adolescent ouvrit les yeux et sursauta. Accroupie devant lui, Desdémone lui souriait. Il refusa le bol que la prostituée portait à ses lèvres.
    — J’apprends que tu as essayé de t’échapper deux autres fois. Ce n’est pas gentil de faire ça à ta marraine, dit-elle. Elle écarta les jambes sans cesser de sourire.
    — Va au diable, dit-il.
    — Oh, la bonne idée. C’était mon intention. Je m’en viens coucher avec toi.
    Elle entreprit de lui éponger le nez pour nettoyer le sang qui y avait séché. Louis tourna la tête dans un sens et dans l’autre, mais ne put l’éviter. Ce qu’elle venait de lui dire, bien plus que les supposés soins qu’elle lui prodiguait, lui faisait perdre le souffle.
    — Plutôt mourir, parvint-il à cracher dans le mouchoir froissé qu’elle serrait dans sa main.
    — Quoi, c’est ça que tu veux ? demanda-t-elle.
    Sa main et son mouchoir se plaquèrent sur le visage de Louis. Il étouffa. Gagné par la panique, il se débattit d’instinct. La blancheur relative du mouchoir disparut pour être remplacée par le visage défait de Desdémone. Une fois qu’il fut à nouveau capable de respirer, il dit :
    — Oui.
    — Est-ce que tu me trouves répugnante à ce point-là ?
    Louis n’osa pas répondre la vérité ni admettre que, même en l’absence de cette vérité, il n’eût pas voulu coucher avec elle et trahir ainsi son amour encore neuf, aussi irrémédiablement perdu qu’il fût.
    — Attends au moins de me connaître. Tu ne

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