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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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rôdaient alentour.
    Le joyeux frère Lambert fut appelé sur-le-champ. Il s’était de sa propre initiative substitué à Pierre pour meubler les temps libres de Louis. Il l’emmenait partout, depuis le jardin jusqu’aux clochers de l’église. Le prévôt n’ignorait pas que le cellérier était reconnu pour son fichu caractère. Il avait poursuivi, de son ton accusateur :
    — Je voulais vous en parler sans plus attendre. J’en ai assez de voir ce grand escogriffe traîner chez moi pour épier mes moindres mouvements. De grâce, mon père, affectez-le aux cuisines. Après tout, n’est-il pas le fils d’un boulanger ?
    Lambert rit et répondit :
    — Il sera cent fois pire aux cuisines, mon père : les plats n’auront pas le temps d’atteindre le réfectoire.
    — Parlons-en, de sa gourmandise. Il est insatiable. Pourtant la règle de saint Benoît ne dicte-t-elle pas que tous, sauf les malades, doivent s’abstenir de viande ?
    — C’est effectivement un garçon très curieux et énergique, dit Bernard. Et il a effectivement bon appétit. Cependant, je me dois de vous rappeler qu’il est en convalescence.
    — Mais il n’est plus malade. Le moment est venu pour lui de se conformer à la règle s’il souhaite se faire moine.
    — Vous avez tout à fait raison et il le fera. Comme nous, il est d’ores et déjà tout à fait libre de manger moins. Or, il n’en manifeste pas encore l’envie. Mais cela viendra. Chaque chose en son temps. Sachons nous montrer patients. Une application trop rigoureuse de la règle peut nuire à la démarche pleine de fraîcheur d’un jeune homme qui se dispose à faire don de sa vie à Dieu.
    — Mais…
    — Mais, en attendant, il est de mon devoir de vous corriger à propos de la règle, car vous faites fausse route. Tout d’abord, Benoît n’a pas parlé de viande mais de « chair des quadrupèdes », et même alors, ses exceptions comprenaient les malades ET les faibles. Par faible, le saint devait entendre « affaibli par l’effort physique ». Louis est d’une nature vigoureuse faite pour l’action. J’estime donc qu’il a besoin de manger davantage de viande que vous et moi qui nous vouons plutôt à la contemplation. Nous ne devons pas le contraindre à servir le Tout-Puissant d’une manière qui ne convient pas à son tempérament sous le seul prétexte que c’est pour nous deux la bonne manière.
    Le cellérier leva les yeux au ciel. Le frère Lambert suivait cet échange d’extraits doctrinaux avec un vif intérêt, un sourire amusé aux lèvres. Bernard reprit :
    — Avant que vous n’abordiez aussi le sujet du vin, je veux vous rappeler que le saint dit : « Nous lisons que le vin n’est absolument pas le breuvage des moines. » Ce « nous lisons » implique qu’il ne souscrit pas entièrement à cette proscription. De plus, il dit qu’une pinte de vin par jour doit suffire à n’importe qui. Mais il nous prévient de ne pas boire jusqu’à satiété. Il est clair qu’il ne s’attend pas à voir les moines s’abstenir de boire totalement et, malheureusement trop souvent, l’eau est impropre à la consommation.
    — Mais il est également écrit : « Que ceux à qui Dieu accorde le don d’abstinence sachent qu’ils recevront leur récompense », cita le cellérier, en désespoir de cause.
    — C’est vrai. Nous avons en nos murs même l’admirable frère Lionel pour nous prouver ce fait. Il incarne le moine dans sa plus totale perfection. Dites-moi, mon père, est-ce que vous sauriez mortifier la chair comme le fait notre mystique pour le bien de votre âme ?
    — Ah ! ah ! ah !.. Oh, pardon.
    Lambert se mit une main sur la bouche. Bernard sourit avec indulgence et reprit :
    — La première épître de Paul aux Corinthiens affirme : « Chacun a son propre don de Dieu, l’un de cette façon, l’autre d’une autre. » C’est pourquoi saint Benoît dit : « Pour cette raison, on ne saurait déterminer la quantité de nourriture d’autrui. »
    Incapable de se composer un visage qui ne fût pas hilare, Lambert conclut :
    — En guise de consolation, j’essaierai de vous mettre de côté l’une de ces tartelettes au fromage que j’ai aperçues aux cuisines. S’il en reste, bien sûr.
    *
    Les moines étaient déjà attablés et mangeaient en silence lorsque Louis entra dans le réfectoire et se lava les mains, les avant-bras et le visage. Il abaissa les manches de sa tunique en futaine

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