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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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frère Lionel. Tout le monde s’était déjà relevé et il fit de même avec un peu de retard. Le moine muet lui sourit avec indulgence. Il avait senti sous sa paume la tension, le tremblement à peine perceptible qui semblait agiter le corps du postulant de façon permanente.
    *
    Le père Guillaume poussa avec une impatience modérée le petit panneau l’isolant du pénitent qui venait de se glisser dans le confessionnal. Il aperçut la main qui se levait pour faire un rapide signe de croix, et une voix en mue prononça, avec le soin un peu guindé d’un texte appris par cœur :
    — Mon Dieu, j’ai un très grand regret de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon, infiniment aimable et que le péché vous déplaît.
    Une fois l’acte de contrition récité, le pénitent dit :
    — Mon père, bénissez-moi parce que j’ai péché…
    Puis plus rien. Guillaume soupira. C’était chaque fois la même chose. Il détestait confesser Louis.
    — Je t’écoute, mon fils. Quelles sont tes fautes ?
    Après un long silence, Louis trouva :
    — J’ai trop mangé.
    Il savait qu’avec cela il ne pouvait que viser juste, car le père Bernard disait toujours : « Celui qui mange une fois par jour est un saint ; celui qui mange deux fois par jour est humain ; mais celui qui mange davantage mène une vie égale à celle d’une bête. »
    — Encore cela ? Ne peux-tu trouver une autre faute ? J’en ai plus qu’assez de confesser un estomac sur pattes. Ton ventre n’est pas contrit. Il semble bien qu’il ne le sera jamais, peu importe la pénitence que je t’inflige.
    — C’est à toi que je parle, mon fils, pas à ton ventre. Confie-moi les tourments de ton cœur et moi, je les confierai à mon tour à Dieu.
    Son appétit n’allait apparemment pas suffire, cette fois. Agenouillé, Louis gardait la tête humblement baissée et les mains jointes, remuant fébrilement les préceptes qu’il avait étudiés en catéchèse. Le moine attendait.
    — Je ne sais pas, mon père.
    — Tu ne sais pas. Peux-tu me nommer les sept péchés capitaux ?
    — L’envie, la luxure, la gourmandise, l’orgueil, l’avarice, la colère et la paresse.
    — Bien, bien. Le moine qui s’engage dans l’itinéraire ardu de l’ascèse doit extirper ces vices progressivement, en commençant par les plus fondamentaux et les plus évidents pour finir par les plus subtils. Cela fait, les vertus correspondantes s’établissent par elles-mêmes dans l’âme. Bon. Le Seigneur sait déjà que tu as une prédilection pour la gourmandise. Examine chacun des six autres péchés et dis-moi si tu n’as pas cédé à au moins l’un d’entre eux.
    Louis réfléchit, mais il ne trouva pas, pour son plus grand malheur, lui sembla-t-il.
    — L’orgueil, Louis. L’orgueil. Te crois-tu donc sans faute ?
    — Pardon, mon père. J’ai péché parce que je suis orgueilleux, dit Louis d’une voix atone.
    — Tu ne comprends même pas ce que tu dis. Comment veux-tu que ton repentir soit sincère ? Le cheminement du moine qui désire se rendre agréable aux yeux de Dieu culmine avec la victoire sur l’orgueil et l’acquisition de l’humilité. Or, tu n’es pas humble. Tu fais seulement semblant de l’être. Le père Bernard m’a confié certaines choses. Il y a des péchés contre lesquels tu n’as nul besoin de te battre et, pour cela, je te félicite. Ce sont : l’envie, l’avarice, la paresse et la luxure.
    C’était vrai. Louis ne pouvait contester cela. Il ne possédait rien et ne jalousait personne. Aucune tâche ne le rebutait. Et, depuis son arrivée à l’abbaye, il avait senti quelque chose de changé en lui. Ses rêveries érotiques perdaient de leur acuité. Peut-être était-ce dû à l’impact qu’avait sur lui son nouveau milieu de vie. L’infirmier l’avait prévenu de ne pas s’inquiéter de cette langueur, que c’était relié à la grande fatigue entraînée par le haut mal. L’infirmier avait aussi dit :
    — Le sperme est un sang très pur, de sorte que le spasme sexuel est un effort coûteux {75}  ; le Seigneur, dans Son infinie sagesse, a fait en sorte de modérer ton activité génésique afin que tes forces soient ménagées pour ta sauvegarde.
    — Mais ça sort quand j’urine. Ça ne m’était jamais arrivé avant.
    — Ne t’inquiète donc pas, avait répondu l’infirmier évasivement.
    Même dans sa tête, les choses changeaient. La précieuse mémoire

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