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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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devoir être rangée sous cette catégorie : cela avait tout l’air de satisfaire le prévôt.
    Le père Bernard, quant à lui, se plaisait bien à suivre Lambert et Louis dans leurs explorations du domaine de la pharmaceutique. Un jour, il prit même leur défense contre ceux qui affirmaient que Louis aurait dû consacrer du temps à l’apprentissage de la lecture :
    — Mon vénéré confrère et homonyme de Clairvaux affirme ceci : « Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront des choses qu’aucun maître ne te dira. »
    La pharmacie du monastère, encombrée et pleine de mystère, sentait l’Orient. Louis était fasciné par l’abondance des remèdes contre la peste. Certains étaient d’un luxe extrême. Il y avait d’abord tout un assortiment de concoctions où se retrouvaient feuilles de romarin, spode*, santal citrin, bois d’aloès, cardamome, amidon, camphre, sucre blanc, mucilage de psyllium dans de l’eau de rose. Un autre contenait cannelle, girofle, épi de nard, bois d’aloès, mastic*, noix de muscade, écorce de citron, grains de musc. Quantité de petits flacons soigneusement identifiés, qui avaient l’air d’autant de bijoux, avoisinaient des sachets d’épices précieuses, des bouquets séchés suspendus aux madriers par leurs tiges et de vraies gemmes à l’état brut. Il fit la découverte d’un gros cristal d’ambre dans lequel était emprisonné un insecte qui avait l’air d’attendre qu’un enchantement le libère.
    — La pierre d’ambre, expliqua Lambert, réjouit les sens et tonifie le corps à cause de son arôme puissant, de l’éclat de sa couleur et de la dureté de sa substance. Réduite en poudre, elle sert à fabriquer un excellent médicament.
    — Seulement si on a de quoi la payer, dit Louis.
    Le moine rit. Par dérision, il prit l’air savant de l’infirmier en feuilletant un gros volume et lut en suivant le texte du doigt :
    — Nous disons… contre la peste, on y ajoute : storax calamité, gomme arabique, myrrhe, encens, aloès, rose rouge, santal, musc, girofle, muscade, macis. Oh ! et là : noix de Gen, coquilles d’huîtres byzantines, karabé*, calame aromatique, semence de basilic, marjolaine, sarriette, menthe sèche, racine de giroflier. Bigre, il n’y a pas à se demander pourquoi notre cellérier est si grincheux, n’est-ce pas ?
    — Comment pouvez-vous obtenir toutes ces choses ?
    — Ma foi, je n’en sais rien. Des dons, peut-être. Mais tu sais, tout cela nous sert à aider l’Hôtel-Dieu dans sa tâche. Nous n’en conservons que le minimum pour les besoins du monastère. Tiens, sens-moi ça : pas mal, hein ! C’est du musc. Et nous avons du safran, aussi.
    Louis n’accorda pas davantage son attention à l’énumération que lui faisait Lambert. Le moine examinait chacune des fioles et des pots pour les lui désigner consciencieusement. Les pensées du jeune postulant se mirent à errer parmi les bottes d’herbes inconnues, l’agaric, les pilules d’aloès ou de myrrhe. Tant de richesse, tant de médicaments, et la peste sévissait toujours. Des moines en étaient morts à l’intérieur même de cette enceinte. Peut-être le véritable remède se trouvait-il autre part. Peut-être que quelque chose dans le monde s’était brisé.
    — Il faut respirer des aromates chauds et du camphre. Y conserver les vêtements est fortement conseillé aussi, disait Lambert.
    — Je sais.
    — Vraiment ? Tu savais cela ? Ah oui, bien sûr, que tu le savais. Tu as dû t’en douter un peu, puisque tu sentais le camphre lorsque tu étais en quarantaine. Dans quel état tu nous es arrivé ! Incroyable !
    — N’en parlons plus.
    — Tu sais, je suis bien content que tu sois rétabli et que tu aies décidé d’être des nôtres. Ouais, je suis bien content.
    Lambert n’avait prononcé ses vœux définitifs que tout récemment. Quoique dans la trentaine, il avait conservé l’esprit d’un adolescent. Il donna une claque amicale sur le bras de Louis et se mit à lui lancer de petits objets un par un en les nommant d’une voix chantante :
    — Cire blanche, huile de nard, huile de muscatelline*…
    — Holà ! Que se passe-t-il là-dedans ? demanda une voix contrariée de l’autre côté de la porte.
    C’était l’infirmier. Lambert s’assagit subitement, et Louis rattrapa le dernier flacon de justesse. Le moine répondit :
    — Rien, mon père.
    Il

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