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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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trouvaient encore réduites. Mais il eut bien soin de ne pas se montrer satisfait.
    Le père Bernard, lui, avait compris et il en était contrarié.
    — C’est alimenter chez lui le désir néfaste d’être abandonné à lui-même. Cette lutte acharnée qu’il mène contre toute exigence de contact humain est justement une tendance qu’il nous faut dompter.
    Cette seule pénitence n’étant pas suffisante, on imposa aux deux jeunes gens trois heures quotidiennes d’étude en bibliothèque, sous la supervision du frère Lionel. C’était le seul moment où Gérard était autorisé à rompre son silence, et ce n’était que pour faire lecture à Louis de certains textes sélectionnés par le bibliothécaire. Inutile de spécifier que le moine sauta sur l’occasion avec délices. Il mit la doctrine de côté et fit lire à un Gérard rougissant les extraits les plus délicieusement illicites de Tristan et Yseult et du Roman de la Rose {78} . Heureusement pour le moine, personne ne fut mis au courant de ces lectures, sinon il aurait à son tour tâté de la férule.
    Mais l’initiative n’eut pas le résultat escompté par le bibliothécaire. Louis ne se montra pas sensible à la beauté sublime de ces écrits. Seul le malheureux Gérard eut, après une nuit agitée, à confesser un péché supplémentaire.
    *
    La salle capitulaire était meublée avec des bancs disposés en cercles concentriques. Les moines s’y regroupaient chaque matin pour y entendre une lecture sainte et la nécrologie, de même que pour réciter des prières. Venait ensuite la partie la plus animée du chapitre : la discussion des affaires courantes, la confession des fautes et les accusations d’inconduite. Tout manquement survenant au cours de la journée devait être soumis à la réunion suivante du chapitre. Il s’agissait là d’une mesure fort sage puisque, le plus souvent, les colères se calmaient avec la nuit et l’on pouvait discuter des incidents le lendemain matin dans une atmosphère de modération. La communauté tout entière pouvait alors employer sa sagesse collective à étudier les problèmes soumis.
    Les postulants prenaient humblement place sur les bancs qui composaient le cercle externe et intervenaient rarement, le plus souvent lorsqu’ils y étaient expressément invités par un aîné. Ce jour-là, cependant, deux d’entre eux allaient devoir se contenter d’écouter. Situation d’autant plus pénible que l’un d’eux était directement concerné par la réunion.
    Le prévôt se leva et prit la parole d’une voix de stentor :
    — Comme tout un chacun, nous autres moines pouvons souventes fois ressentir les tentations des sept péchés capitaux. Il est dans la nature de l’homme d’avoir à combattre ces péchés pour tendre vers la perfection que le Seigneur attend de lui. Cependant, on imagine mal un moine cruel. Loin de moi l’idée de critiquer les sages et saintes paroles de nos pères, mais je crois que nous devrions inclure la méchanceté dans la liste des fautes majeures.
    — Excellente entrée en matière, père Guillaume. Nous ne saurions que vous inviter à poursuivre, dit l’abbé Antoine.
    — Merci, mon père. Il en est un parmi nous qui a la certitude que la seule façon de résoudre un problème ou un conflit est d’avoir recours à la violence.
    Toutes les têtes se tournèrent immédiatement vers Louis. C’était sans équivoque. Ce dernier regarda autour de lui avec un certain étonnement, puis il fixa le père Guillaume sans manifester le moindre signe de culpabilité. Le prévôt reprit :
    — Louis refuse tout effort, tout geste et tout exemple de compassion. Il veut détruire, c’est tout.
    Guillaume se rassit. Le silence se fit dans la salle. Comme pour confirmer ces dires, le scintillement des yeux de Louis avait quelque chose d’inquiétant. Cependant, il ne répliqua pas.
    — Bien… Quelqu’un désire-t-il prendre la parole à ce sujet ? demanda l’abbé Antoine.
    Louis se mit à fixer d’une manière intimidante quiconque semblait tenté de le faire.
    — Personne ? demanda encore l’abbé.
    Aucune main ne se leva et il y eut quelques toussotements gênés. Le frère Lionel se tordit le cou pour offrir au jeune postulant un regard empli de sympathie. Il eut droit au même traitement que s’il avait manifesté le désir de parler. Cet échange silencieux n’échappa pas à la vigilance de l’abbé, qui dit :
    — Eh bien, il semble que nous

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