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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fer.
    Le regard clair et sagace rencontra celui de Hugues puis de Louis, qui tenait toujours l’épée.
    — Les gens ont bien tort de convoiter l’or plus que le fer. Sans le fer, l’homme ne peut plus se défendre ni faire régner l’ordre. Et sans lui il n’y a plus de bons socs de charrue ni de maisons solides. Qu’achètera l’or s’il n’y a rien sur la table ni rien pour abriter cette table ? Mon seul trésor, c’est cette épée.
    — Pourquoi nous montrez-vous tout cela ? demanda Louis.
    L’ermite sourit malicieusement.
    — Eh bien, les vieux comme moi ont beaucoup de temps pour réfléchir. Ils n’ont que ça à faire. Je me sens, disons… Comment dire ? Un peu inspiré. Ou alors c’est la fièvre.
    — C’est sûrement cela, dit Hugues en éclatant de rire.
    Le vieillard montra l’épée avec son menton.
    — C’est ma gente Dame. Bientôt, il faudra bien qu’elle continue sa vie sans moi. Quel est ton nom ?
    — Louis.
    — Tu sais te battre, Louis. Ça se voit tout de suite. Tu l’as bien en main. Prends-la, je t’en fais cadeau.
    — Quoi ? Mais…
    — Ne discute pas. Prends-la, te dis-je. Elle se languit depuis des années dans sa cachette et je n’en aurai nul besoin dans mon tombeau. L’habit me suffira amplement.
    Sa main ridée caressa le tabard blanc frappé d’une croix rouge qui était précieusement plié dans le coffre, par-dessus une cotte de mailles. Hugues siffla d’admiration.
    — C’est trop d’honneur, dit-il à la place de son ami.
    Vaguement intimidé, Louis dit :
    — C’est vrai. Et je n’ai pas le droit {100} .
    — Que m’importent ces vaines lois d’en bas ! Elles n’ont pas cours dans nos montagnes.
    — Je suis touché, dit Louis.
    — Tiens la garde des deux mains, que je voie si elle t’accepte.
    Cette perspective changeait tout.
    Garin regarda attentivement sa gente Dame et l’homme qui allait la servir. Satisfait, il opina en constatant que la noble épée acceptait Louis.
    *
    Quelques jours plus tard
    Garin ne souffrait plus de la fièvre, mais il avait dû se résoudre à utiliser la canne que Louis lui avait fabriquée le matin même avant sa promenade. Il tardait au vieillard de retrouver les dernières cigales somnolentes, invisibles dans leur cache d’herbes folles poussant le long du sentier qui le ramenait chez lui.
    Sans que personne ne le lui eût demandé, Louis resta toute la nuit chez l’ermite. Hugues n’était pas monté, ce jour-là ; il devait passer la journée avec la belle Jacinta, sa petite amie. Le vieillard sourit avec attendrissement à cette idée en s’avançant vers une corniche du haut de laquelle il put admirer le paysage en contrebas. Le dessous plat et charbonneux d’un nuage était suspendu au-dessus de la vallée. Des lueurs désordonnées y palpitèrent. Longtemps après, un grondement cotonneux se fit entendre. « Il tonne encore loin », songea Garin.
    Un peu plus bas sur la pente, Louis pratiquait de gracieux mouvements d’escrime.
    « Je ne m’étais pas trompé », se dit l’ermite en le regardant faire. Il appela :
    — Rentre avec moi, Louis.
    L’adolescent interrompit ses exercices et regarda dans sa direction. Il escalada la pente et vint rejoindre Garin sans discuter. Le vieillard crut, probablement avec raison, que c’était sa façon à lui de démontrer le respect qu’il éprouvait pour le vieil homme.
    « Je me demande ce que Bertrand penserait s’il voyait tout ça », se demanda Louis. Ses pensées furent interrompues par Garin qui lui entoura les épaules et lui donna une tape amicale.
    — Il faut vivre en montagne pour voir comment les orages peuvent nous atteindre rapidement. Ici, il va venter et tonner. Mais nous ne recevrons que de la bruine. Les nuages se scindent lorsqu’ils atteignent cette crête, là-bas. Louis, je suis désolé que tu ne te plaises pas ici.
    L’adolescent ne broncha pas. Il s’assit sur un rocher plat où l’ermite avait déjà pris place. L’omniprésente brise s’était essoufflée. On aurait dit que tout l’oxygène avait été refoulé vers la vallée pour alimenter l’énorme masse bleutée du nuage. L’atmosphère se teintait d’une luminosité inquiétante due aux sables de la lointaine Afrique qui étaient charriés et laissés en suspension dans l’air. À certains endroits, le dessous du nuage avait commencé à s’effilocher en bouts de laine grise. L’air, toujours immobile, devint

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