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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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graduel finit par interrompre quelques conversations qui, obstinées, s’étaient poursuivies. Arnaud sourit à son voisin dont le statut le contraignit à demeurer imperturbable. Le gouverneur n’en songea pas moins : « La petite canaille. Il est plus sournois que je ne l’avais cru. » Arnaud clama :
    — Garin de Beaumont, Templier, traître à son roi le défunt Philippe le Quatrième, dont notre bien-aimé monarque est le parent.
    Les deux gardes qui encadraient le vieillard s’avancèrent jusqu’à la table d’honneur afin de présenter le prisonnier au gouverneur. Friquet se racla la gorge. Sa réaction mit le feu aux joues d’Arnaud qui fixa des yeux sa coupe de cristal en tâchant de se persuader que le vin était seul responsable de son malaise subit. Il se hâta de poursuivre :
    — L’ordre des Chevaliers du Temple de Jérusalem fut aboli par l’arrière-grand-père de notre bon roi. S’il plaît encore aux autres royaumes comme l’Espagne et l’Angleterre d’en accueillir les derniers représentants qui vivent reclus tels des malfaiteurs, il me tarde, Excellence, de remettre entre vos mains le sort de celui-ci. Je me suis dévoué à le saisir alors que depuis des années la légende de son existence défiait la Couronne.
    Le jeune homme avait prononcé ces mots d’un seul souffle et il ne se tut que parce qu’il en manqua enfin. Un silence embarrassé s’installa que nul n’osa rompre, sauf Friquet lui-même. Il se leva en portant la main à sa tonsure et jeta un regard circulaire aux autres tables, qui avaient été disposées en fer à cheval. Il se racla de nouveau la gorge et dit :
    — Recevez toute ma gratitude, jeune d’Augignac, pour avoir si promptement mis au service du royaume votre admirable dévouement. Quoique plutôt zélé, votre geste démontre fort bien votre vassalité et j’en prends bonne note.
    — Zélé, Excellence ? demanda Arnaud, soudain inquiet.
    — Le terme est assez direct, j’en conviens. Mais vous me connaissez suffisamment pour savoir que je déteste me perdre en circonlocutions et en courbettes lorsque l’enjeu est d’importance. Ne m’en veuillez donc point si je vous ai froissé.
    Arnaud émit un petit couic qu’il s’empressa de noyer dans une gorgée de vin. Il en voulait presque aux invités de maintenir dans la grande salle un silence de plomb que seuls interrompaient leurs deux voix accompagnées des pépiements des petits oiseaux voletant entre les poutres. Garin ne bougeait pas. Il ne chercha pas à profiter de la situation. Friquet reprit :
    — Ne niez pas qu’il vous a fallu du zèle pour aller quérir au sommet des montagnes un Templier âgé qui s’était retiré du monde et, dans une certaine mesure, de son ordre, pour finir ses vieux jours en paix. Je connais moi-même la légende dont vous parlez. Il s’agit sans aucun doute de la variante locale d’une fable bien répandue. Non, ne m’interrompez point, je vous prie, jeune d’Augignac. Vous parlerez lorsque je serai disposé à vous entendre. De toute évidence, vous me demandez là de rendre la justice au nom de mon roi, et c’est bien là ce que j’ai l’intention de faire.
    Garin sourit : la méthode de ce clerc lui plaisait. D’avoir été mis à sa merci ne l’humiliait donc pas. Friquet de Fricamp choisit la langue d’oïl pour s’adresser à l’accusé. Il savait qu’Arnaud et la plupart des invités étaient suffisamment instruits pour être en mesure de suivre la conversation.
    — Messire de Beaumont, vous avez revêtu la tenue de votre ordre. Y appartenez-vous toujours ?
    Garin ne montra aucun signe de défaillance malgré une certaine faiblesse due à sa longue détention. Il répondit, d’une voix ferme :
    — Oui, Excellence. Je n’ai pas quitté l’ordre.
    — Pourquoi n’avez-vous donc pas rejoint vos compagnons dans leur exil ?
    — J’ai cru un temps pouvoir aider à restaurer l’ordre en France, Excellence. Je ne me suis donc pas trop éloigné. J’ai attendu et attendu, me cachant pendant toutes ces années dans ma caverne. Pour rien.
    — Personne n’y est jamais venu ?
    — Oh ! si. Certains de mes anciens compagnons connaissaient mon abri et sont venus m’y trouver. C’est par eux que j’ai su à quel point l’ordre avait changé.
    Il secoua tristement la tête et dit :
    — Rien n’était plus pareil. Je suis donc resté. Et après, je suis devenu trop vieux pour voyager.
    — Je vois. Qu’en

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