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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Une minuscule fiole changea de mains sans que rien n’y parût, la haute silhouette du bourreau soustrayant le gouverneur à la vue du garde et du clerc qui attendaient à la porte du cachot exigu. Le prisonnier n’eut d’autre choix que de s’en remettre entièrement à Louis, qui avait très bien pu décider de changer de camp et de l’empoisonner parce qu’il n’avait pas eu ce qu’il avait demandé, soit les sauf-conduits dont il n’allait plus avoir besoin, dorénavant, puisqu’il se trouvait déjà à Paris.
    Les pupilles du petit homme commencèrent à se dilater en dépit de la forte lueur des torches. Louis laissa tomber les chaînes. Il fit lever le gouverneur et lui dit tout bas, tandis qu’il l’entraînait sans ménagements à travers un étroit couloir, les deux autres suivant derrière lui :
    — Malgré le secours de la miséricorde divine, vous souffrirez. Vous crierez, c’est compris ? Il en va de votre sauvegarde.
    Fricamp ne comprit que vaguement la signification de ces paroles à double sens : la drogue que lui avait administrée le tortionnaire lui brouillait trop l’esprit.
    Ils pénétrèrent dans une salle au plafond voûté, suivis du clerc et du garde ; ce dernier fut laissé à la porte, alors que le clerc allait prendre place derrière la petite table qui avait été installée dans un coin. Sans laisser à Fricamp le temps de se poser des questions, Louis le bouscula jusqu’à une échelle appuyée au mur, contre laquelle il le ligota, le dos tourné vers lui. L’échelle était solidement amarrée au plancher et au plafond. Friquet tourna la tête et put voir le brasero posé juste à côté.
    — Mais qu’est-ce que…
    Louis empoigna le petit homme par sa couronne de cheveux ras et lui tira la tête en arrière avant de lui infliger plusieurs va-te-laver* humiliants.
    — Laissez-moi faire, dit-il tout bas.
    Il se tourna vers le clerc et fit un signe de tête.
    L’interrogatoire débuta. Louis montra à Fricamp, en guise d’avertissement, une paire de pinces portées au rouge et il s’approcha pour découper sa chemise à l’aide de sa dague, le tout sans cesser de le regarder à travers les trous de sa cagoule. La première question fut posée une première et une deuxième fois. La troisième fois, elle se confondit avec le hurlement de Friquet : Louis avait pincé son bras à l’aide de son instrument. La chair grésilla et un peu de fumée monta au visage du bourreau. Si la drogue à base de datura atténuait quelque peu la souffrance, elle ne pouvait pas faire de miracles lorsqu’elle était administrée en quantité insuffisante pour endormir le patient. Louis tentait bien de le ménager, mais il devait s’efforcer de donner un peu de crédibilité à la scène. Le saignement du visage était spectaculaire, mais inoffensif. Imperturbable, du moins en apparence, le clerc continua à poser ses questions au gouverneur qui ne fit que des réponses vagues. Louis lui infligea plusieurs autres brûlures dans le dos, et l’homme ne remarqua pas qu’il épargnait les jambes.
    Quand Louis se mit à frapper les plaies à l’aide d’une verge et qu’il y répandit un peu de résine bouillante, Friquet de Fricamp se crut perdu et avoua tout, d’une voix qui n’était à présent plus pâteuse :
    — Le dauphin aime le Vaudreuil, dans la vallée de l’Eure. Le roi Charles l’y vint visiter un jour de l’hiver dernier…
    Louis recula et lui fit un signe d’assentiment presque imperceptible, l’invitant à poursuivre. Il n’y avait pas d’autre issue.
    — Le roi de Navarre était résolu à dresser le fils contre le père. Vous savez comme moi à quel point il peut être persuasif. De plus, ils s’entendaient tous les deux comme larrons en foire, partageant festins et ribaudes… Dieu leur pardonne !
    Friquet fit une pause, le temps de reprendre son souffle en même temps que ses esprits. Tous ces aveux signaient peut-être son arrêt de mort et il ne pouvait rien y faire.
    — Quoi d’autre ? demanda Louis en se rapprochant.
    — Non, je vous en prie. Accordez-moi un moment pour souffler un brin. Je dirai tout. Voici : le dauphin a naguère manifesté l’intention de faire défection. La date de son départ était fixée au 7 décembre. Mais les Navarrais l’attendirent vainement à Saint-Cloud. Il s’est dégonflé. Le roi Charles en fut fort mécontent, au banquet. Certains disent l’avoir vu verser… quelque chose dans son vin.

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