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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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par quelques allusions habiles aux personnes qu’il fallait, à amplifier la participation de Firmin chez les Jacques. L’incident tel qu’il était survenu était déjà suffisant en soi pour l’incriminer. Mais Louis avait fait en sorte que son auteur ne puisse s’en tirer avec une simple amende ou une expulsion de la guilde. De cela, le fils était heureux. C’était à cela qu’il lui fallait penser. À cela et à rien d’autre. Mais l’image de Clémence et de Hugues ensemble ne cessait de s’immiscer dans la joie qui l’embrasait par à-coups… Des enfants, leurs enfants… Ce qu’il leur avait fait rongeait sa conscience. De retourner là-bas lui avait fait très mal. Trop mal. Mais il le fallait bien… Il n’en rageait pas moins contre son propre corps et contre l’émoi qui tempêtait. Et contre sa mère qui, avec les fleurs de son jardin, ne cessait de lui montrer quel être vil et abject il était devenu.
    Il se ramassa contre lui-même et, entouré de petits bruits incontrôlables qui ressemblaient à des ronflements secs, il se mit à se bercer en tremblant.
    *
    On disait en ville que les assises de l’arrogant Châtelet, composées d’au moins cinq étages, descendaient à neuf toises sous le niveau de la Seine. Il régnait dans ses cachots une nuit permanente, un avant-goût du sépulcre dont on menaçait ses pensionnaires qui allaient être soumis au rituel simple ou élaboré de la mise à la question. Le Châtelet faisait œuvre de mort. La grande créativité des moyens dont il disposait était à faire frémir.
    Le geôlier avait reçu l’ordre de faire la sourde oreille au fait que Ruest pouvait défrayer les coûts d’un hébergement convenable en attendant son jugement.
    — Allez, c’est l’heure de la prière, mon petit vieux, dit-il à Firmin, qui dut s’agenouiller devant l’enclume et y poser la joue. Ses poignets et ses chevilles étaient déjà ceints d’anneaux de fer qui avaient un pouce d’épaisseur. Chacun était destiné à recevoir des fers d’une dizaine de pouces de long et de un de diamètre. À leur autre extrémité, ces fers seraient attachés à un petit maillon fermé sur une chaîne entourant la taille. Ce dispositif obligerait Firmin, chargé de longueurs de chaînes qu’il devrait tenir dans ses mains, à traîner les pieds et à se tenir voûté sous des entraves dont le poids totaliserait trente-sept livres.
    — Donnez, je m’en occupe, dit le chef de ceux que Firmin considérait toujours comme ses ravisseurs.
    L’homme avait troqué son heaume contre une cagoule et sa broigne contre un habit noir d’allure presque monastique. Firmin avait cru entendre quelqu’un nommer cet individu maître Baillehache. Si Louis avait pendant un moment craint d’être reconnu, surtout à cause de sa haute taille, d’être dénoncé par sa démarche ou par quelque autre détail impossible à dissimuler, il n’en fut rien. La voix, de même que la stature de Louis, avait beaucoup changé en dix ans.
    Le géant passa au cou dénudé du boulanger un épais collier de fer large de trois pouces, qu’une charnière permettait d’ouvrir et qu’il s’apprêtait à riveter.
    — Ne bouge pas, ordonna-t-il.
    Il enfonça des manilles à coups de marteau. Firmin se lamenta. À chaque coup, le fer résonnait d’une façon insupportable et il eut l’impression que sa tête allait éclater. Derrière sa cagoule, les lèvres de Louis retroussaient en un sourire nerveux. Lui aussi résonnait, mais c’était sous l’onde de choc silencieuse de ses propres pensées. Des pensées qui affleuraient presque à ses lèvres entrouvertes : « Dis-moi, grosse outre à vin, quel effet ça te fait d’avoir le potron en l’air, d’avoir tellement la trouille que tu en pisserais dans ton froc ? Attends un peu de voir ce que j’ai en réserve pour toi. Je vais bien me régaler. »
    Lorsque ce fut terminé, le bourreau redressa Firmin en le tirant en arrière par la chaîne fixée au collier par un anneau.
    — Oh…
    Il chancela. Ce collier, lesté de plomb, devait bien peser quinze livres. Il appuyait lourdement contre les épaules du vieil homme. De plus, la surface intérieure du collier était munie de pointes courtes qui manifestèrent leur présence dès qu’il remua. D’autres pointes, bien visibles celles-là, en garnissaient la partie supérieure. Si Firmin baissait légèrement la tête, elles lui effleuraient le menton. Cet instrument allait

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