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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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autres, dit Baillehache aux hommes qui tenaient toujours les perches.
    Il posa la petite cage sur le ventre de Firmin. Elle contenait deux rats.
    — Qu’est-ce que c’est que ça ?
    — Personne n’aime les rats. Moi non plus, je ne les aime pas. Il montra à Firmin son petit bâton et dit :
    — Regarde ce qui arrive.
    Il se pencha et, insérant son bâton entre les barreaux de la cage, il les taquina. Les bêtes se bousculèrent à l’intérieur. Cela ressemblait à un jeu. Soudain les rats se mirent à couiner : Baillehache les piquait. Les rats prisonniers furent pris de panique et commencèrent à gratter frénétiquement contre les parois de la cage en produisant un affreux crissement métallique.
    — Tu t’amuses bien avec tes petites bébêtes, Baillehache ? demanda Gérard en riant.
    Le tortionnaire récupéra le bâton effilé et, graduellement, les deux rats s’apaisèrent.
    — Beaucoup. Rien ne presse, j’ai tout mon temps.
    — Que vas-tu faire, maintenant ? Tu vas lui planter ton bâtonnet dans le cul, à notre bonhomme, pour qu’il se mette à couiner lui aussi ?
    — Mieux que ça.
    Il tira précautionneusement le fond de la cage à lui par une poignée rudimentaire. Firmin frissonna de dégoût en sentant contre sa peau les pattes des rats.
    — Par le saint nom du Christ, dit quelqu’un.
    — Une belle trouvaille, n’est-ce pas ? J’ai toujours eu horreur des rats.
    Baillehache tint le bâton tout près de la cage et regarda Firmin, dont le teint avait viré au gris.
    — Si je recommence à les piquer, ils chercheront à sortir par l’endroit le plus vulnérable. Ils se mettront à creuser, Firmin, et ils t’étriperont. Tu mourras longtemps.
    — Non… pitié.
    — Il n’en tient qu’à toi. Avoue et je déposerai mes instruments. Parce que j’en possède aussi d’autres qui sont pas mal.
    Sans prévenir, un souvenir ancien s’entremêla à sa panique : il revit Louis enfant qui s’amusait à tourmenter les rats avant de les tuer.
    Firmin ferma les yeux et se passa la langue sur les lèvres.
    — Marcel comptait sur mon soutien à cause de la réputation de ma boutique. J’allais le rencontrer régulièrement rue de la juiverie, à la taverne de la Pomme de pin.
    *
    L’endroit en question fut visité dès le lendemain après-midi. La présence de douze gardes armés à sa porte incitèrent fortement le tavernier à se souvenir qu’en effet le boulanger Ruest y avait été vu à maintes reprises en compagnie du prévôt des marchands et qu’ils avaient tous deux une préférence marquée pour son vin d’Argenteuil.
    Le soir même, la déposition était signée et le verdict, rendu. Ce que Firmin n’était plus en état de savoir, c’était que tout avait été soigneusement planifié par Baillehache depuis le jour même de son arrestation.
    *
    Saint-Germain-des-Prés, un mois plus tôt
    Étendu face contre terre sur les dalles, immobile et les bras en croix, il s’offrait à Dieu. Encore un peu plus. Parce que cela lui avait été demandé. Un jour, l’abbé était venu à lui et lui avait dit : « Mon fils, on a besoin d’un aumônier et tu as été désigné. Va et commence dès aujourd’hui à préparer ton âme afin de recevoir l’ordination sacerdotale. » Lionel s’était dit : « Mais je ne parle pas. À quoi donc sert un prêtre qui ne parle pas ? » Antoine avait gravement répliqué, comme si Lionel avait réellement exprimé cette pensée : «  Domine, exaudi vocem meam. » Un aumônier était appelé à faire du ministère. Il fallait faire des sermons. Depuis longtemps, les gens ne prêtaient plus attention au premier illuminé venu ; il leur fallait des prédicateurs agréés par les facultés de théologie, munis de la licence et du baccalauréat et coiffés du bonnet de docteur. Même le plus beau discours du monde, pour qu’il ne soit pas reçu dans une indifférente neutralité, ne devait pas être présenté par un quidam. Il devait provenir d’un des puissants de ce monde ou bien… d’un ermite dont le mysticisme était reconnu.
    « Il y en a d’autres, et des plus ambitieux. Pourquoi moi ? » se dit Lionel. Le monde était rempli d’âmes simples et exaltées, de tribuns talentueux qui s’en allaient volontiers porter la Parole sous la dictée de l’Esprit. Il y en avait peut-être même un peu trop.
    —  Ora pro nobis {179} , chantaient les voix des moines.
    Le bercement des litanies était fait

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