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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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roue hydraulique, soutenue par un châssis que le meunier pouvait faire monter ou descendre selon que les eaux étaient hautes ou basses, les organes de transmission et les meules qui réduisaient les céréales en belle farine homogène.
    Tout comme chez les Ruest, la maison ne se distinguait guère de l’atelier. Le rez-de-chaussée donnait directement sur l’eau et on accédait à la salle des meules par des passerelles. L’étage, quant à lui, était utilisé comme cuisine et salle de séjour par la famille, alors qu’une seconde petite pièce constituait la chambre des maîtres. Les combles comportaient une chambre unique où les visiteurs des Bonnefoy dormaient. Chacun partageait la vie du meunier, ses joies et ses angoisses, y compris les hôtes d’une ou deux nuits. Cette promiscuité entre maison et travail avait de nombreux avantages. Elle facilitait les tâches de la meunière qui devait accueillir les clients, les restaurer et entretenir le moulin. De son côté, le père Bonnefoy, un bon vivant au verbe haut, pouvait intervenir rapidement en cas de bris.
    Le bruit était omniprésent, assourdissant. La première nuit, la rumeur de l’eau et les rouages qui s’entrechoquaient empêchèrent Louis de dormir. Le tic-tac incessant des engrenages, la rotation sourde des meules, le bruit saccadé du nettoyeur et celui plus doux de la bluterie, le roulement des poulies et des courroies, tous ces sons faisaient partie de l’activité quotidienne du moulin. Personne dans la salle de l’étage n’en paraissait plus incommodé, pas même Firmin qui ronflait bruyamment : il avait accepté un sédatif que lui avait offert l’épouse du meunier. Pourtant, si l’une des dents en bois d’un rouage se brisait et se mettait à produire un tac-tac inhabituel, le meunier se réveillait à l’instant, prêt à agir avant que toutes les autres dents du rouage n’y passent.
    *
    Bonnefoy avait quatre fils adultes. Tous s’étaient établis autre part, à l’exception de l’aîné qui aidait son père. Il lui restait aussi sa fille unique, Églantine, qui avait dix ans. La rive à laquelle on accédait par une passerelle branlante était toujours pleine de gamines chamailleuses, amies de la populaire et jolie Églantine. Louis ne l’aimait pas.
    Le matin suivant l’arrivée des Ruest au moulin, Louis ne voulut pas rejoindre les autres enfants ; ce en quoi son père l’approuva. Mais Bonnefoy intervint :
    — Laissons un peu les petits s’amuser pendant que nous discutons affaires, mon vieux.
    Louis fut donc laissé à lui-même et il s’en alla errer le long de la berge. Les fillettes piailleuses ne tardèrent pas à y encercler le grand garçon qui reculait, mal à l’aise.
    — Tu es vilain, lui dit Églantine, catégorique et avec condescendance, avec l’air de lui accorder une faveur en se donnant la peine de le dénigrer de cette façon.
    — Tu n’as qu’à me laisser, répliqua Louis.
    Églantine lui offrit un sourire fielleux :
    — Voyons, je ne peux pas faire cela, puisque tu es mon invité. Mes parents veulent que j’essaie au moins d’être aimable avec toi. Ils disent que tu travailles trop.
    — J’aime travailler.
    — Quel âge as-tu ? s’interposa une autre fillette.
    — Sept ans, dit-il, distrait de son envie de répliquer qu’il n’avait pas besoin que l’on s’occupe de lui.
    — Sept ? Mais tu es beaucoup trop grand. Moi, j’en ai dix, dit Églantine. C’est vrai que tu es taré ?
    En quête de secours, Louis leva les yeux vers le moulin en espérant voir son père lui faire signe depuis la passerelle. Pour une fois, il aurait bien aimé qu’il lui ordonne de le rejoindre. Mais Firmin n’était en vue nulle part.
    — Je ne sais pas, dit-il.
    — Ha ! ha ! Ça veut dire que tu l’es.
    — Non. Je voulais dire que…
    Il serra machinalement le poinçon froid dans sa poche.
    — Si. Tu ne sais pas si tu es intelligent ou non. Cela veut donc dire que tu ne l’es pas.
    Les fillettes firent une ronde autour de lui et se mirent à le ridiculiser en chantant une comptine spontanée et cruelle comme seuls savent en inventer les enfants :
    —  Si taré qu’il ne sait même pas qu’il l’est
    —  Lon-la, lon-la, la faridondaine
    —  Trop grand il prend sa tête pour ses pieds,
    —  Lon-la, lon-la dondaine laridé   !
    Inconsciente du danger, Églantine rompit le cercle et vint se planter juste en face de lui. Elle souriait.
    — Ne les

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