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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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fillette, résolue, ne se laissa pas démonter. Elle rassembla toutes ses forces dans ses yeux et soutint le regard noir. Elle sut tout de suite qu’elle n’allait plus jamais être capable de le refaire, par la suite. Mais elle savait aussi qu’elle n’aurait plus besoin de recommencer. Les yeux de Louis, surpris par cette résistance, vacillèrent. Elle en profita :
    — Pauvre petit garçon malheureux, tout sale et mal habillé. Viens là. Moi, je saurai prendre soin de toi.
    — Je ne suis pas malheureux. Qu’est-ce que tu fais ? Tu joues ?
    Subjugué, il se laissa entraîner en direction d’un muret qui était le prolongement des assises de l’un des moulins. Elle y prit place, à côté d’un cruchon et d’un bol qu’elle y avait déjà disposés. Une poupée de son l’attendait aussi, mais elle avait décidé que jouer avec Louis allait s’avérer beaucoup plus intéressant. Elle ordonna, d’une voix autoritaire :
    — Viens t’asseoir près de moi, mon chéri. Juste là, au pied du mur. C’est l’heure de ton lolo.
    Soudain docile, il s’appuya contre les genoux anguleux de la fillette. Églantine musela son dédain et caressa doucement la chevelure raide du garçon. Louis se trémoussa sous cette main fine qui butinait ses cheveux. Fraîche, elle lui descendit le long de la nuque. Louis frissonna. Il tenta de se tourner pour faire face à Églantine, mais la main se plaqua contre sa poitrine. Il l’observa donc à la dérobée. La fille se glissa avec lenteur entre le muret et lui et le contraignit à s’appuyer de nouveau contre elle. Troublé, Louis sentit dans son dos le ventre chaud et les seins naissants d’Églantine. Elle susurrait des mots chantants qu’il ne comprit pas. La main d’Églantine passa sur son front et sur sa joue. Louis ne résista pas : fasciné, il étudiait les émois nouveaux que lui procurait ce contact très différent de celui de Mère. Ces cajoleries étaient déroutantes et pourtant agréables. La main sensuelle descendit sous son menton. Doucement mais fermement, elle lui souleva la tête. Il vit au-dessus du sien le visage penché de la fille et ses cheveux d’or qui pendaient librement et effleuraient son épaule. Un bol de cidre, serré dans l’autre main d’Églantine, s’approcha des lèvres de Louis. La voix ensorcelante dit encore :
    — Bois.
    Et il but. Églantine sourit d’un air satisfait en sentant sous sa paume la déglutition du garçon. Il avala les trois quarts du cidre à grandes gorgées. Lorsqu’il voulut repousser le gobelet, Églantine l’obligea à le finir, ce qu’il fit mollement. Cela terminé, elle lui donna une taloche dans le dos.
    — Allez, ouste.
    Louis, surpris par ce soudain retour à l’hostilité première, sauta et courut jusqu’à la berge. Il se hâta de franchir la passerelle aux planches disjointes pour s’éloigner au plus vite. Lorsqu’il se retourna, il aperçut Églantine qui, debout, secouait sa robe comme si elle venait d’en chasser un chien mal lavé. Il se hâta de disparaître en claquant la porte du moulin. Il ne savait plus s’il l’aimait ou s’il la détestait.
    Quelques minutes plus tard, elle rentra à son tour et vit Louis qui gisait, inerte, tout seul dans un coin de la minoterie. Elle abandonna près de lui une cruche de vin vide qu’elle avait chapardée à ses parents. Mais, auparavant, elle prit soin d’en vider les dernières gouttes sur la poitrine du garçon.
    — C’est ton père qui va être fier de toi. Comme ça, vous serez pareils tous les deux.
    Elle quitta la pièce, sans oublier de ranger les herbes sédatives que sa mère conservait dans un coffret de pharmacie pour les invités insomniaques.
    *
    Les Ruest partirent le dimanche après-midi, beaucoup plus tôt que d’habitude, après que Louis eut été puni, non pas une mais deux fois.
    Depuis la berge où elle s’était tenue la veille, non loin du trou creusé par Louis, Églantine avait écouté en se mordant les lèvres le bruit des coups de ceinture et les cris du garçon que le vacarme environnant n’était pas parvenu à assourdir. Elle s’était prise à regretter son mauvais tour. Le gamin, tout affreux qu’il fût, avait encaissé la punition sans la dénoncer, elle. Églantine se mit à admirer secrètement le courage de Louis.
    Peu après avoir été relâché par son père, Louis avait remarqué chez la fillette ce changement de disposition. À peine remis des coups, il avait

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