Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
dérobé le rasoir du père Bonnefoy et s’était faufilé jusqu’à l’aire de jeux riveraine. Les mains dans le dos, il s’était approché au vu et au su des amies d’Églantine. La fillette, qui était sans méfiance, s’était avancée pour lui parler.
    — Je te demande pardon.
    — Quoi, encore ?
    — Tout est de ma faute. J’ignorais que ton père était sévère comme ça avec toi.
    — C’est parce que toi, t’es trop jolie, avait-il dit en se dandinant autour d’elle d’une manière affectée. Le rasoir avait soudain brillé dans sa main. Toutes les fillettes criardes s’étaient égaillées, sauf Églantine qu’il avait vite fait d’attraper par l’une de ses longues nattes qu’il avait tendue et sectionnée d’un coup sec. Il la lui avait passée autour du cou et avait dit :
    — Tiens. Maintenant, toi aussi tu es vilaine.
    Impuissante et en larmes, Églantine avait vu le spectacle affligeant de sa natte dorée emportée par les flots de la Seine où Louis l’avait jetée. Elle ne comprenait pas comment ni pourquoi il avait choisi de frapper au moment où elle avait pris le risque d’abaisser ses armes.
    Louis s’était senti si heureux qu’il était venu bien près d’embrasser Églantine sur la bouche, car il avait tiré de son geste une sensation nouvelle de puissance qui lui avait engendré de la joie. C’était l’émotion la plus pure et la plus forte qu’il eût jamais connue.
    Les Bonnefoy furent scandalisés et Firmin était furieux. Églantine, toujours en pleurs et coiffée d’une capeline, dut assister au départ des hôtes de ses parents, qui restaient en assez bons termes avec les visiteurs, compte tenu des circonstances. Elle put voir que le dos de l’horrible garçon était ensanglanté : cela ne lui fut d’aucun réconfort. Car Louis lui souriait.
    *
    Paris, printemps 1341
    La bande de Hugues avait pris l’habitude d’accompagner Louis dans ses livraisons lorsque celui-ci ne traînait pas trop dans le narthex* de Notre-Dame. Le jeune mitron ne voyait aucun inconvénient à cela, au contraire, car ainsi personne ne lui cherchait noise.
    Alors que le mois de mars chuchotait la promesse d’un printemps précoce dans les gouttières, une fin d’après-midi, Louis s’en revenait à la maison, seul pour une fois, mais tout content d’en avoir fini avec sa tournée alors qu’il faisait encore clair. Cela allait lui permettre de passer une heure ou deux en compagnie d’Adélie. Il avait hâte de lui offrir ses trois figues.
    Adélie n’était pas à l’ouvroir. Dans la maison, elle profitait des dernières heures de clarté pour faire son raccommodage.
    — Bonsoir, Mère.
    Trop excité, il ne remarqua pas les doigts tremblants de la femme, ni ses joues striées de larmes.
    D’abord, nourrir Petit Pain. Ensuite, il allait pouvoir offrir les figues à sa mère. Il vida son carnier sur la table pour y retrouver les abats de saumon qu’il avait récupérés ce jour-là. Il les déposa dans la vieille écuelle qui servait au chat.
    — Je reviens, Mère, dit-il.
    Il se précipita à l’étage et gravit l’échelle pour atteindre la trappe menant aux combles. Adélie entendit la voix de son fils s’assourdir derrière une épaisseur de bois et de chaume.
    — Minet ! Minet ! Minet !… Allez, viens, viens-t’en, Petit Pain. Il y a du bon manger.
    Louis redescendit avec l’écuelle d’abats.
    — Il n’est pas là-haut, dit-il. Est-il resté dehors ?
    C’était bien possible, puisque Adélie le faisait toujours sortir un moment avant le retour de Firmin. Elle répondit :
    — Je… je crois l’avoir vu dans la boutique tout à l’heure. Louis, attends.
    Mais il y était déjà. Pas de trace du chat. Cependant, de retour à l’étage, il remarqua que sa paillasse avait été dérangée. Peut-être le chaton s’était-il faufilé quelque part entre les sacs de grains. Il se dirigea vers eux. Louis n’eut pas besoin de fouiller. Petit Pain était là.
    Les degrés de l’échelle gémirent sous le poids de Firmin qui redescendait des combles. Il tenait un bâton et affichait un air faussement contrit. Louis eut un mouvement de recul.
    Étendu sur le flanc de tout son long, le dos tourné à lui, Petit Pain ne se leva pas pour saluer son jeune maître d’une caresse. Sa tête s’inclinait beaucoup trop vers l’arrière et ses oreilles semblaient attentives au moindre son. L’enfant s’accroupit et posa sa main libre sur le pelage

Weitere Kostenlose Bücher