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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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froissée pour éponger ses larmes.
    — Tu l’as mise mal à l’aise, je crois, dit Églantine.
    Il jeta un coup d’œil au paravent et haussa les épaules. Tout le monde était trop occupé pour se soucier d’eux. Il en profita pour isoler Églantine qui se retrouva coincée entre le mur et lui. Elle ne parut pas le remarquer. Il dit :
    — Tant pis. Pour une fois, je n’y suis pour rien.
    — C’est ce que tu crois. Elle cherchait à se vieillir un peu pour attirer ton attention. Tu lui plais, lui dit-elle d’un air taquin.
    — Moi ?
    — Allons donc, nigaud. Ne me dis pas que tu n’as rien remarqué ?
    — À vrai dire, non.
    Il n’osa pas lui avouer que depuis un bon moment il n’avait d’yeux que pour elle.
    — Elles ont bien repoussé, tes nattes, dit-il.
    Il tendit la main vers l’un des pinceaux retroussés qui ornaient ses tresses blondes et brillantes comme de la soie.
    — Comme c’est étrange. Il y a peu encore, tu étais très différent de ce que tu es devenu. Je t’ai toujours cru taré. Il me semble que rien n’est comme d’habitude.
    Louis ne nia pas. Le coin de ses lèvres se retroussa.
    — C’est le vin.
    — Voyou !
    En riant, elle le repoussa d’un coup de hanche et demanda :
    — Dis-moi, est-ce que tu as une petite amie ?
    — Non.
    — Moi, j’ai des prétendants, tu sais, dit-elle fièrement. Tous des meuniers d’une réputation irréprochable. Mais je n’en aime aucun, tu comprends ? On ne peut épouser un homme dont on n’est pas amoureuse, n’est-ce pas ?
    Fasciné, Louis opina avec empressement. Comme toutes les jeunes filles de son âge, Églantine nourrissait un idéal romantique très élevé. Elle s’empressait d’étayer son récit d’enjolivures afin d’en faire un mélodrame plus consistant pour son interlocuteur. Elle se pencha en avant et dit, sur un ton de confidence :
    — Il y en a même un qui a essayé de m’embrasser. Sur la bouche.
    — Non ! dit Louis, qui s’efforça d’avoir l’air indigné.
    C’était ce qu’elle semblait attendre de sa part. Il se prit à s’imaginer en prétendant. Mais lui, il réussissait à embrasser ces lèvres veloutées et désirables que l’excitation rendait légèrement lustrées.
    — Si, dit Églantine. Heureusement qu’Edmonde me chaperonnait. C’était un veuf de soixante-trois ans, tu te rends compte ?
    — C’est que tu es bien jolie. Moi, j’ai grand plaisir à te regarder.
    — Merci, dit Églantine, qui baissa les yeux en rougissant, un sourire pudique aux lèvres.
    Il demanda timidement :
    — Est-ce que… est-ce que moi, je te plais, maintenant ?
    — Mais oui, répondit-elle tout bas sans le regarder.
    — Puis-je te toucher ?
    Étonné de sa propre audace, il attendit en tremblant un peu. Elle leva sur lui ses yeux pailletés d’or et acquiesça en silence.
    Gauche, il la prit par les épaules. Avec une douceur que personne ne lui connaissait, il l’enlaça. Il se surprit lui-même lorsque sa main se leva et serra la nuque d’Églantine. Il sentit avec délices combien elle était délicate et fragile, tiède sous sa paume. Louis relégua sa méfiance aux oubliettes. Il se pencha vers le visage en forme de cœur et ferma les yeux une seconde pour déposer sur ses lèvres un baiser pudique. Une émotion nouvelle se propagea en ondes chatoyantes à travers tout son corps. Églantine, toute molle, se moula davantage contre lui. C’était merveilleusement étourdissant. Jamais il n’avait expérimenté quelque chose de semblable. Sa citadelle fut à nouveau secouée et des fragments de maçonnerie s’en effritèrent. Il n’en eut cure. Les prunelles de la jeune fille étincelaient, translucides comme une eau ensoleillée. On pouvait y lire tout ce que l’humanité cherche à exprimer depuis la nuit des temps sur l’amour, sans y être jamais tout à fait parvenue.
    — Je ne comprends pas, dit Louis à voix haute.
    — Quoi ?
    — Non, rien. C’est juste que… j’ignorais qu’on pouvait être aussi content.
    Un silence subit, émaillé de chuchotements, les ramena soudain à la réalité de leur entourage. Les adolescents, regroupés par trois ou quatre, contraignaient les plus jeunes à se tenir tranquilles afin de ne rien manquer. Ils jetèrent au couple des regards en biais, remplis de sous-entendus moqueurs, comme seuls savent faire les gens entre deux âges. Louis repoussa Églantine et marcha vers eux, les poings

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