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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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serrés.
    — Non, mais, de quoi vous mêlez-vous ? Je m’en vais vous étriper, moi.
    Mais son courroux fut stoppé net par un tonnerre d’applaudissements et de sifflements.
    Couché sur le dos, les yeux ouverts, Louis n’arrivait pas à dormir. Cela ne lui était plus arrivé au moulin depuis sa toute première visite. Dans l’obscurité relative, il parvenait à distinguer les lentes palpitations des braises qui, elles aussi, somnolaient dans leur réceptacle en fer posé sur un trépied, cernées de toutes parts par les formes immobiles des dormeurs. Le vacarme n’était pour rien dans son insomnie, il le savait. Elle était davantage due à la promiscuité et au vin d’Argenteuil, du moins tenta-t-il de s’en persuader. Il fut ainsi tenu en éveil, attentif, pendant les premières heures de la nuit. Il tourna la tête vers la trappe d’où montait le ronronnement des deux meules qui tournaient au ralenti. Il savait que la symbiose entre le meunier et son moulin était telle que le moindre bruit anormal jetterait immédiatement le maître Bonnefoy hors de son lit, comme s’il était lui-même atteint d’un malaise. Louis ne pouvait détacher son attention de l’incessant tic-tac des engrenages du moulin. Ce bruit régulier battait comme le cœur d’un homme.
    Une forme blanche se faufila sans bruit derrière le paravent qui abritait le seau d’aisance. Louis s’assit et attendit. Lorsque la forme ressortit, faiblement éclairée par un croissant de lune finement ciselé, il se recoucha et ferma les yeux, feignant le sommeil. La forme blanche passa près de lui en ondulant. C’était Églantine. L’ourlet de la robe de nuit dévoila un bref instant à ses yeux de nouveau ouverts le galbe crémeux et fuselé des jambes et, plus haut, le creux interdit que protégeait un blanchet* immaculé. Il fallut un certain temps à Louis pour se rendre compte que les battements de son propre cœur s’étaient substitués à ceux du moulin.
    Pendant longtemps encore, son regard intense scintilla, alimenté par une lumière tout autre que celle des braises et du clair de lune.
    — Aouf !
    Quelque chose de lourd s’affala en travers de Louis, dont la poitrine se vida de tout souffle. La lumière en biais du petit matin lui envahit les yeux, et des rires encore enroués fusèrent. Il empoigna l’objet par réflexe. Il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte qu’il s’agissait de la petite Madeleine.
    — Excuse-moi, c’est mon frère qui m’a poussée, dit-elle, misérable, n’osant pas bouger.
    Il s’assit brusquement en se pâmant, les yeux exorbités, et se hâta de tirer sa couverture jusqu’à sa taille avant même de songer à relâcher la fillette. Il espéra que personne n’avait remarqué sur son vêtement les traces trop révélatrices d’une émission nocturne.
    Charles, le frère de Madeleine, riait à gorge déployée. Il ne vit pas le carreau arriver et le reçut en pleine figure. Une pagaille générale s’ensuivit. Louis se jeta avidement dans la mêlée et bientôt le duvet de quelques carreaux éventrés se mêla à la poussière de farine.
    *
    Au cours de la matinée, Louis apprit que sa mouture serait prête tôt après le souper. Il en éprouva une nostalgie si grande qu’il sentit le besoin de s’isoler. À la tombée du jour, la cour était déserte. Il prit pour refuge un grand noyer qui poussait en haut de la berge. Quelques branches accessibles de l’arbre centenaire étaient encore chargées de beaux fruits vernis dont personne ne semblait se soucier. Laissant une jambe se balancer dans le vide, l’adolescent cassait des noix à l’aide de deux galets plats et dégustait sans y prêter attention les fragments de chair pâle qu’il récoltait parmi les vestiges d’écales réunis dans la paume de sa main. Pour se changer un peu les idées, il entreprit de grimper plus haut dans l’arbre afin d’y récolter d’autres noix qu’il déposa soigneusement dans son mouchoir dont il allait pouvoir ensuite faire un petit baluchon à emporter.
    — C’est mal, ce que tu fais là, dit une voix douce. Il se retourna. Églantine dévoila sa présence en quittant le buisson derrière lequel elle s’était cachée pour l’espionner.
    — Pourquoi voles-tu ces noix ? demanda la jeune fille.
    — Parce qu’elles me font envie.
    — N’es-tu pas un artisan ? Avec ton salaire, tu pourrais en acheter.
    Affronter l’implacable logique féminine n’était

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