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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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prendre. Seules les habitudes alimentaires de ma belle-mère en seront bouleversées.
    Les hommes s’esclaffèrent.
    — Quelle impertinence, dit la mère Bonnefoy.
    — Tes camarades te réclament, Louis, on dirait, dit le meunier. Tiens, va partager ce pichet de bon clairet avec eux. Il est aussi délicat qu’un pétale.
    Une fois que Louis et les jeunes eurent décidé d’un commun accord de baser leur quartier général sous les combles, les autres se retrouvèrent à nouveau entre adultes. La mère Bonnefoy baissa la voix pour commenter :
    — Il s’améliore, depuis un certain temps. J’admets qu’il est convenable, bien qu’assez mal élevé.
    — Je suis formel, dit le meunier, ce garçon a du cran. Il est industrieux et devrait faire un époux fiable.
    — C’est quand même un rustre.
    — Peut-être, mais il n’en reste pas moins qu’il est issu d’une excellente famille, et notre fille a besoin d’une poigne solide pour museler son tempérament qui, comme tu le sais, est plutôt volage.
    — Thibaut, n’oublions pas la promesse que nous lui avons faite. Elle a beau avoir seize ans…
    — Presque dix-sept. À cet âge, la plupart des filles sont établies et sont déjà mères, rappela l’épouse de Mathieu.
    — Je le sais bien. Nous l’avons un peu trop gâtée, celle-là, en lui promettant un mariage d’amour. Espérons que ce jeune Ruest sera assez dégourdi pour la séduire.
    *
    — Oyez-moi ça, annonça la voix de fausset d’un adolescent, Madeleine est allée au petit coin. Elle va revenir avec du tissu plein son corsage.
    Des rires gras fusèrent sous le toit pentu. La personne concernée, sœur du garçon, était une fillette de douze ans. Le visage rouge d’indignation, elle ressortit de derrière le paravent qui abritait un seau d’aisance. Sa poitrine avait effectivement une allure suspecte. Elle protesta :
    — La ferme, espèce d’idiot. C’est mon corsage qui est trop serré.
    — À d’autres. Tu as les seins croches.
    — Je me demande bien pourquoi ça existe, des frères.
    Tout le monde riait aux éclats, même Louis qui ne rechignait plus autant à s’intégrer au groupe de jeunes fêtards. La meunerie avait depuis longtemps perdu son apparence civilisée, hormis l’espace réservé aux rouages du moulin dont chacun se tenait prudemment éloigné. Ce qui suivit n’améliora certes pas l’état du grenier : l’adolescent ricaneur prit tout le monde à témoin et attrapa sa sœur qui avait tenté de fuir en direction d’un tas de carreaux. Il immobilisa la fillette et fourragea dans son corsage.
    — Allez, vas-y, Charles ! l’encouragea quelqu’un.
    Un autre renchérit :
    — Fais-lui montrer le reste, tant qu’on y est !
    Les cris stridents de la fillette dominaient de plus en plus les rires, tandis que son frère triomphant déployait fièrement un long ruban d’étoffe chiffonnée. Tout ce tintamarre fit monter Bonnefoy. Un carreau avachi tournoya à l’horizontale juste devant lui. Il le regarda passer en souriant et dit, d’un ton légèrement sarcastique :
    — Philippe Auguste n’a rien vu à Bouvines {46} . S’agit-il d’une bannière ? demanda-t-il à la ronde en avisant l’objet de la dispute fraternelle.
    — Qu’est-ce que c’est, Bouvines ? demanda un garçonnet qui riait de voir sa grande sœur humiliée bouder dans son coin.
    — C’est une bataille. Peu importe. C’est trop politique pour une veille de fête. Allons, les enfants, dépêchez-vous de vous installer pour la nuit. Saint Martin attend après nous.
    Deux mères, Edmonde et Églantine aidèrent la marmaille à venir à bout de cette tâche. Elles peignèrent les cheveux emmêlés, nettoyèrent les minois tachés et rafraîchirent les vêtements froissés. Louis leur prêta main-forte pour étendre les paillasses. Églantine en était à panser l’orgueil féminin de Madeleine assise avec elle lorsqu’elle leva des yeux étonnés sur Louis qui était venu la rejoindre. Elle sourit de le voir cerné par des enfants excités qui enfilaient en grelottant leur accoutrement de nuit tout froid. Il s’avança vers elle. La fillette, soudain intimidée par ce grand garçon, bondit, baissa les yeux et croisa les bras sur sa poitrine plate. Ne sachant que dire à l’enfant pour excuser son intrusion, il l’ignora, ce que cette dernière interpréta comme un jugement. Elle retourna derrière le paravent du petit coin et utilisa le ruban d’étoffe

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