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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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    2 Je n'ai pu l'en dissuader.
    3 Je ne peux le croire…

5
    Début mars 1651
    La lourde porte munie d'un guichet s'ouvrait rarement. Ce matin on avait fait passer par l'ouverture une miche de pain bis, une cruche d'eau et un peu de lard. Nolwenn s'était efforcée de manger lentement, mâchant consciencieusement chaque bouchée, hélas elle ne put rien garder de ce qu'elle venait à peine d'avaler. Elle enfouit sa tête entre ses bras et pleura en silence sachant tout cri inutile.
    Quand on l'avait menée dans ce lieu pieds et poings liés, après un trajet cauchemardesque ligotée au fond d'une charrette jusqu'à Paris, elle avait vu qu'on l'enfermait dans les profondeurs des ruines isolées d'une ancienne forteresse où ses ravisseurs avaient tout prévu : il n'y avait aucune possibilité de fuite. Désespérée, elle s'était traînée vers l'extrémité du cachot où elle avait déplacé sa paillasse et s'y était laissée tomber pour verser toutes les larmes de son corps sachant qu'elle ne tiendrait pas longtemps à ce régime-là.
    Blafarde, exténuée, les cheveux épars et les vêtements en lambeaux, elle faisait peine à voir. Pour lutter contre le sentiment de solitude intense qui l'accablait, elle se mit à prier avec ferveur.
    – Dieu de Miséricorde, si ce n'est pour moi, épargnez au moins l'enfant que je porte et qui est innocent de tous péchés.
    Les nausées de début de grossesse ne lui laissaient aucun répit. Ce qui l'inquiétait davantage, c'était la toux qui l'assaillait. L'humidité des murailles de pierre qui l'entouraient était extrêmement nocive surtout en pleine rigueur de l'hiver et elle n'avait aucun moyen pour s'en protéger. Elle percevait parfois le bruit de la pluie provenant de l'extérieur en se traînant au plus près de l'étroit soupirail qui laissait poindre la faible lueur du jour à travers ses barreaux, seule source de lumière lorsque ses geôliers ne remplaçaient pas à temps l'unique flambeau de la geôle. La détérioration de son état de santé ne semblait guère les émouvoir. Ils l'utilisaient au contraire comme moyen de pression pour obtenir les informations qu'elle était censée posséder. À ce stade, Nolwenn aurait avoué n'importe quoi, seulement voilà, elle n'était pas Violette de Goyon et ne savait absolument pas où se trouvaient les courriers exigés par ses tortionnaires. Au début, elle avait été correctement traitée puis comme elle n'avait rien révélé, et pour cause, ses conditions de détention s'étaient durcies. L'infâme Crochu l'avait même violemment giflée lors du dernier interrogatoire et, depuis, elle redoutait qu'il ne découvre sa grossesse, convaincue qu'il n'hésiterait pas à menacer la vie qui croissait chaque jour en elle pour la faire parler. Terrorisée, l'infortunée prisonnière avait la conviction qu'elle allait périr dans son cachot seule, comme un animal.
    Comment François pourrait-il la retrouver ? L'unique chose qui la retenait de se laisser mourirétait de savoir qu'au creux de son ventre un petit être s'accrochait à ce début d'existence difficile. Elle devait en son nom réprimer l'envie grandissante d'abandonner cette lutte perpétuelle contre le froid, la faim et le désespoir.
    Souvent, dans les moments de profond découragement, lorsque l'image de François ne suffisait plus à l'aider à survivre, elle se forçait à se remémorer les détails de la terrible scène à jamais gravée dans sa mémoire du sacrifice de sa cousine en sa faveur.
    L'arrivée de Violette à Mont Menat l'avait stupéfaite car elles n'avaient échangé que de simples banalités lors de leur brève rencontre. Elle se souvenait vaguement de cette cousine aperçue lors de réceptions données du temps où sa mère vivait encore avant que son père, veuf, cesse toutes mondanités, les jugeant déplacées et surtout ruineuses. Nolwenn s'était même inquiétée de devoir renouer avec une relation familiale qui pouvait se révéler dangereuse au vu du passé de proscrit de François, elle qui ne gardait comme seul lien avec sa région natale qu'un échange épistolaire avec sa sœur. Violette avait su la rassurer en ne posant aucune question et toutes deux avaient tissé une affinité quasi immédiate, chacune éprouvant l'impression de trouver en l'autre une sœur de cœur longtemps attendue. Nolwenn avait confié ses espoirs de grossesse à sa cousine et Violette en avait été touchée. Le matin de la tragédie, elle était

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