Le jeu de dupes
venue la rejoindre dans sa chambre et avait déclaré en riant que son François était vraiment fou d'elle. Étonnée, Nolwenn apprit que l'espiègle avait voulu le tenter pour mesurer la force de son amour et en avait été pour ses frais, ce qui la ravissait. Un tantinetchoquée par le procédé, Nolwenn finit par admettre la logique de sa cousine et se réjouit d'avoir un époux fidèle.
Le drame survint peu après que François fut parti en promenade, comme à son habitude, laissant l'après-midi aux deux confidentes pour leurs interminables tête-à-tête. L'assaut mené par les agresseurs avait été d'une rapidité et d'une brutalité inouïes. Alertées par les cris émanant des offices, les deux cousines n'avaient pu qu'assister, terrifiées, à l'assassinat de la chambrière de Nolwenn. Le meurtrier, un démon aux mains brûlées ressemblant à des serres, avait demandé qui des deux était Violette de Goyon. Ne recevant pas de réponse, il s'était énervé en hurlant qu'on les attendait à Paris et que la gueuse en question avait intérêt à se dénoncer, puis, saisissant Nolwenn, il lui avait ordonné de décliner son identité. La malheureuse, en s'exécutant, avait provoqué les ricanements du soudard.
– Dans ce cas, tu ne m'intéresses pas, jeta-t-il, et, se tournant vers Violette, il avait ordonné à l'une de ses brutes de l'emmener et de l'installer sur un cheval. Je vais m'occuper de celle-ci en attendant, s'esclaffa-t-il tout en posant ses ignobles griffes sur la jeune aristocrate.
Violette comprit qu'il allait violer sa cousine avec autant de plaisir qu'il en avait pris à étrangler la petite servante. Pour tout dire, elle enviait Nolwenn : sa fraîcheur, son mariage d'amour, sa position sociale… Mais l'idée que par sa faute on martyrise celle qui l'avait accueillie à bras ouverts, sans méfiance, et qui portait probablement en son sein un enfant fut insupportable. Elle avait un choix à faire et il fut rapide.
– Tu te trompes, maraud, je suis la maîtresse de ce domaine et il va t'en cuire lorsque tu devras rendre des comptes à mon époux.
Le Crochu lâcha immédiatement Nolwenn et empoigna la femme courageuse qui lui faisait face.
– Ah, tu t'y crois encore, toi, à donner des ordres ! Viens, je vais t'apprendre à te taire.
Entraînant Violette sur le lit, il arracha ses vêtements puis la pénétra brutalement tandis que sa victime restait sans réaction sous les yeux horrifiés de Nolwenn. Son affaire rapidement exécutée, agacé de l'absence de résistance manifestée par sa proie, il décida de la livrer à ses hommes. Violette se débattit alors avec l'énergie du désespoir et mordit un de ses assaillants. Celui-ci, furieux, lui mit un coup de couteau dans l'abdomen sans autre forme de procès et lacéra sa poitrine avant que ses acolytes ne parviennent à le stopper.
– Nom de Dieu, tu l'as refroidie ! grogna le Crochu. Abruti, on va avoir le mari sur le dos maintenant. Allez, on se replie. Où est passée cette maudite femelle ?
Nolwenn, profitant de la confusion, s'était enfuie dans le couloir et, comme une enfant apeurée, avait tenté de se dissimuler derrière une tenture sans grand succès. Le Crochu, dès qu'il l'avait extraite de sa cachette, l'avait rudement souffletée en hurlant qu'elle n'avait plus intérêt à mentir et qu'elle avait de la chance qu'on la voulût intacte. Incapable d'envisager ou bien même de concevoir l'abnégation de Violette en faveur de sa cousine, il repartait convaincu de ramener la bonne drôlesse, Nolwenn ne le contredisant pas afin de sauver sa vie.
Quand elle sentait le désespoir la gagner, elle se remémorait ces terribles instants où Violette s'était sacrifiée pour elle et son futur bébé. D'habitude, cela lui permettait de surmonter l'épreuve, pas cette fois-ci. La mort paraissait désormais être la seule échappatoire, elle ne supportait plus sa captivité. Prostrée, elle n'entendit pas la lourde porte s'ouvrir.
– Réveille-toi, gredine, on t'amène de la visite.
Aveuglée par l'éclat des torches des brutes qui lui faisaient face, elle finit par apercevoir qu'ils tenaient fermement un grand gaillard couvert d'ecchymoses dont le sang commençait à rougir le sol du cachot.
– Corbleu, Augustin, tu ne dis pas bonjour à ta maîtresse ?
L'homme entravé fut projeté à ses pieds. Nolwenn devina qu'il s'agissait du valet de sa cousine, seul être en qui elle avait vraiment confiance. Ce dernier
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