Le jeu de dupes
vous trouve un fiacre et ferai l'escorte avec plaisir.
Le baron fit alors un signe à Simon qui accourut.
– Pouvez-vous faire monter ce blessé dans une de vos chambres ? Il a besoin de soins et de repos, dit-il en désignant Augustin.
– Tout de suite, s'empressa de répondre l'aubergiste, heureux de rendre service.
Le valet, choqué par l'annonce du décès de sa maîtresse, bourrelé de remords vis-à-vis de Nolwenn et tout endolori, se laissa emmener comme un enfant par les brus de Lescoffier. Il ne cessait de répéter « Mademoiselle Violette est morte, Mademoiselle Violette est morte… » complètement traumatisé par sa disparition car il éprouvait pour sa maîtresse un attachement réel. Elle l'avait surpris un soir, après qu'il se fut introduit chez elle par les toits, tentant de dérober ses bijoux. Au lieu de se servir du charmant pistolet offert par un admirateur, elle l'avait convaincu d'entrer à son service, persuadée qu'une telle force de la nature avec ses dons de monte-en-l'air pourrait se révéler utile et tous deux s'étaient entendus à la perfection, le géant ayant grâce à elle retrouvé le droit chemin sous un toit où il faisait bon vivre avec une maîtresse généreuse dont il devint l'ange gardien attentif.
Javier revint rapidement annoncer que le carrosse de Monsieur le conseiller l'attendait à l'extérieur. François remercia Broussel pour son aide et le septuagénaire le serra avec émotion contre son torse frêle. Il n'oubliait pas que le jeune hommel'avait autrefois extirpé d'une situation périlleuse 3 et gardait pour l'ancien protégé de Sylvaine, tendre complice vivement regrettée, un véritable attachement. Après son départ, François et Arnaud laissèrent à Belfond le temps d'étayer ses conclusions. Puis François n'y tint plus et lança :
– Qu'y a-t-il de si compromettant dans ce document ?
Belfond retira son pince-nez et se pencha vers eux en baissant la voix afin que nul ne surprenne ses paroles :
– Rien de moins que la remise en cause de la filiation de Louis-Dieudonné, futur roi de France.
1 Arrêtez, laissez-le pour l'amour de Dieu !
2 Oui, bien sûr.
3 Voir L'héritier des pagans .
7
Mars 1651
La révélation du contenu de la première lettre décryptée par le professeur avait véritablement bouleversé Arnaud et François. Remettre en cause la filiation du futur monarque était inimaginable et surtout extrêmement dangereux. Les trois hommes avaient immédiatement quitté les Trois Portes pour pouvoir approfondir la question à l'abri des oreilles indiscrètes derrière les lourdes grilles de l'hôtel Bessières.
Belfond était décidé à travailler toute la nuit pour déchiffrer un à un les documents. Rien qu'à l'idée qu'un tel scandale, s'il éclatait, puisse donner le pouvoir à Gaston d'Orléans, oncle du roi, dans des circonstances qui affaibliraient considérablement la France et aggraveraient le conflit avec l'Espagne, ses moustaches se hérissaient d'indignation. Les trois comparses souhaitaient donc s'enfermer dans la bibliothèque. Louise, en les accueillant, avait poussé de hauts cris en constatant l'heure tardive et l'état d'épuisement de son époux. Après l'échauffourée de la taverne, sa plaie s'était rouverte et il saignait de nouveau. Elle tenta de se contenir devant Belfond, mais elle lançait des regards peu amènesen direction de François. Arnaud la prit un instant à part.
– Ma mie, vous voilà tout agacée et pour rien je vous assure. Un bandage neuf et j'irai parfaitement bien.
– Vous deviez juste faire une courte sortie et voilà que vous vous battez, ce n'est point raisonnable. Et François…
– N'a rien pu faire pour éviter cette bagarre. Allons ma douce, cessez vos lamentations, ce n'est rien de plus qu'une légère blessure. Je comprends que vous ayez apprécié cette période où vous pouviez me dorloter à loisir seulement je suis sur pied maintenant et je dois reprendre mon service auprès de Sa Majesté et plus que tout aider votre frère qui se débat en plein cauchemar.
Louise rougit ayant subitement honte de sa réaction.
– J'ai si peur pour vous.
– La peur mon aimée ne nous prémunit pas du danger. Je sais que la perte de notre bonheur à venir vous a profondément affectée, pourtant il faut croire en la vie, nous l'aurons, cet enfant tant désiré, et votre belle-sœur en sera la marraine.
Louise le contempla, émue, consciente du bonheur d'être liée à un
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