Le jeu de dupes
politique l'a obligé à s'enfuir, laissant l'affaire en suspens, ce qui expliquerait qu'on ait gardé Nolwenn captive dans l'attente de nouvelles consignes.
– D'autant que cette hypothèse cadre pleinement avec les dires du conseiller Broussel, conclut le professeur.
– Dans ce cas, il ne me reste qu'à m'adresser directement au cardinal pour lui expliquer la vérité et obtenir la libération de Nolwenn… Arnaud, de ton côté, je te charge de retrouver cette pourriture de Crochu. Quant à vous, professeur, je vous demande de déchiffrer les autres documents, dit François essayant de retrouver sa combativité.
– Je le ferai avec plaisir mon jeune ami cependant, il vous faudra être patient car leur décodage sera vraisemblablement plus ardu et risque de me donner du fil à retordre.
– François, je m'occupe de retrouver cet énergumène, promit Arnaud. Mieux, je vais t'offrirl'occasion de mettre la situation au clair avec Mazarin. Certains ministres de la reine : Lionne, Servien et Le Tellier m'ont chargé de trouver un messager pour transmettre des courriers secrets et ramener une réponse. Tu pourras ainsi régler tes affaires tout en restant au service de Sa Majesté.
Arnaud s'approcha de François et le prit fraternellement par la nuque jusqu'à toucher son front avec le sien.
– Courage mon ami, nous délivrerons Nolwenn, je te le promets. Nous avons connu pire, souviens-toi. Aie foi en ta destinée, dit-il avec conviction en resserrant son étreinte.
François sentit son espoir renaître. Il se souvint de cette terrible nuit où il avait éprouvé l'envie de se laisser mourir dans les geôles brestoises réservées aux galériens où Arnaud l'avait soutenu, l'empêchant de se laisser sombrer 1 . Il n'était pas seul, son clan se dressait avec lui et s'il y avait une chance de sauver Nolwenn, il la tenterait jusqu'au bout. Rasséréné, il put se détendre. Belfond, touché par cette scène, sentit vibrer sa corde sensible et cligna maintes fois des yeux pour chasser tout épanchement lacrymal intempestif.
Derrière la lourde porte de la bibliothèque, Malo, l'oreille collée à la serrure, avait tout entendu. Être traité comme un gamin l'horripilait car il se sentait prêt à donner sa vie en échange de celle de Nolwenn. S'il ne pouvait, comme son cousin, partir à la recherche du cardinal, il se faisait fort de retrouver le fameux Crochu. D'autant qu'il avait à sa disposition un atout majeur en la personne d'unedamoiselle très amoureuse qu'il voyait en cachette. La belle avait ses entrées à la cour, pas à la cour de France, ce qui ne lui aurait été d'aucune utilité, mais à la cour des miracles, cette société secrète des rues de Paris dans laquelle il ne serait pas surpris de retrouver ledit Crochu. Sans bruit il regagna sa chambre, sourire aux lèvres, heureux de saisir l'opportunité de se rendre utile, inconscient du guêpier où il allait se fourvoyer.
1 Voir L'héritier des pagans .
8
Avril 1651
Après de nombreux jours passés à l'hôtel Bessières à affiner un plan d'action nécessitant la localisation de Mazarin, les adieux entre François et ses proches furent douloureux. Henri, que Louise avait réussi à maintenir éveillé, avait du mal à comprendre que son fils quitte Paris à la poursuite d'un individu pour lequel il n'éprouvait guère de sympathie, dans l'objectif hypothétique de sauver son épouse. Il s'apaisa légèrement lorsque Arnaud révéla le rôle de messager qu'il allait accomplir au service du roi pour immédiatement s'en émouvoir : n'était-ce point trop dangereux ? Le vieil homme avait peur de mourir en l'absence de son héritier, lui qui voyait chaque jour son état de santé se dégrader. Sa condition de simple mortel s'imposait quotidiennement et son âme inquiète refusait d'envisager le décès de ceux qu'il chérissait, ce qui l'effrayait plus que sa propre mise au tombeau. Il redoutait surtout de ne plus avoir de phases de lucidité au retour de François car il avait de plus en plus de mal à s'extraire de cet état d'errance mentale qui l'enfermait plus efficacement qu'un cachot à l'intérieur de lui-même. Louise aussi était angoissée : sur le perronde l'hôtel Bessières, elle tentait une dernière fois de convaincre son frère de ne pas voyager seul.
– François, je vous en prie, faites-vous au moins accompagner par Gervais !
Le domestique s'avança, tellement désireux de porter assistance à son maître qu'il
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