Le jeu de dupes

j'en ai retiré les lettres comme elle m'avait demandé de le faire avant son départ. Quand on m'a capturé je n'ai rien révélé, espérant que Mademoiselle Violette monnayerait sa liberté en échange des missives cousues dans mon plastron. Comme je me suis aperçu que ce n'était pas elle…
    – Dire la vérité à ses soudards pour la protéger ne vous a pas effleuré ? intervint Broussel, acerbe.
    – Ils se seraient emparés des courriers et nous auraient tués tous les deux, s'emporta le géant.
    François ne les écoutait plus, il saisit les documents et les ouvrit avec empressement. Rapidement, il les repoussa, découragé.
    – C'est illisible : ce ne sont que des lettres, des chiffres et des symboles. Vous possédez le code ? demanda-t-il à Augustin.
    Ce dernier, malheureux, hocha négativement la tête.
    – Permettez, dit le professeur en sortant ses lorgnons et en examinant avec attention les lettres, ravi d'être capable de se montrer utile. François, les codes sont ma marotte et je pense être en mesure de déchiffrer celui-ci. Voyez, des jeux de signes se répètent : ces 26 par exemple avec leurs ondulations.
    – Celui décrit par Mademoiselle de Lenclos désignant Mazarin ? l'interrogea Arnaud.
    – Oui, c'est bien cela. L'auteur de ces lettres a utilisé le grec, le latin et un chiffrage peu sophistiqué, du moins pour celle-ci. Donnez-moi quelques instants.
    – Moi je peux vous en dire plus et immédiatement, s'exclama Broussel.
    Cinq paires d'yeux se braquèrent sur lui.
    – C'est pour cela que je suis venu ici discrètement. J'ai appris par le père de Sylvaine l'enlèvement de votre épouse, François, et votre traque menée à l'encontre d'un individu qu'on surnomme le Crochu. Il se trouve que je connais l'oiseau, du moins de réputation. Depuis la fuite de Sa Majesté à Saint-Germain nous faisons espionner le Sicilien et je sais de source sûre qu'un de ses sbires, qu'il a utilisé pour de basses besognes, porte ce sobriquet à cause de ses mains brûlées qui ressemblent à des serres…
    – Je n'arrive pas à croire qu'un homme comme le cardinal soit mêlé à une aussi sombre histoire, intervint Arnaud.
    – C'est que vous ignorez l'ampleur de sa noirceur, répliqua sèchement le parlementaire furieux d'être interrompu. Comment la reine a pu se laisser séduire par un tel paltoquet, c'est un mystère ! Je vous l'affirme, un seul être est en mesure d'incarner un régent digne de ce nom, c'est le prince de Condé et je m'y emploierai de toutes mes forces quitte à m'allier à Gondi pour faire déposer Anne d'Autriche. Je vous jure que jamais plus le royaume de France ne sera dirigé par un étranger comme ce filou ! Je ferai en sorte que le Conseil du roi ne soit plus à portée d'aucun cardinal et je compte en faire la demande à la reine devant le Parlement, vous verrez. Nous n'aurons plus à souffrir d'être gouverné par un menteur, un voleur, une fripouille, un…
    – Pas un assassin, s'exclama Arnaud. On peut reprocher beaucoup à Mazarin concernant son enrichissement personnel cependant c'est quelqu'un de mesuré loin des excès de Richelieu et, pour l'avoir côtoyé, je ne l'imagine pas dans le rôle que vous lui attribuez, d'autant moins lorsque l'on sait que notre famille l'a toujours protégé en le servant loyalement et qu'il la considère comme une alliée… Jamais il n'enverrait une troupe de spadassins attaquer l'un de nos domaines.
    – Tout dépend sans doute de l'enjeu, intervint le professeur.
    – Vous avez réussi à déchiffrer le texte ? s'enquit François avec ferveur.
    – Pas mot à mot, toutefois je suis en mesure de vous dire de quoi il s'agit… Et c'est de nature à justifier bien des meurtres.
    François, d'un geste nerveux, l'encouragea à continuer, pourtant Belfond ne s'exécuta pas.
    – Il me faut plus de temps pour être sûr de mes dires. Ne croyez-vous pas qu'il serait préférable de faire raccompagner chez lui Monsieur le conseiller qui a certainement besoin de repos après être venu nous donner de si précieux renseignements au péril de sa vie ?
    Le petit bonhomme acquiesça vigoureusement, pas fâché qu'on reconnaisse son mérite, puis se tassa légèrement, un peu inquiet de s'être ainsi laissé emporter publiquement en révélant ses projets, et devant un fidèle de la régente par-dessus le marché.
    – Javier, tu te charges de reconduire notre ami ? demanda Arnaud.
    – Si claro 2 , dit ce dernier en se levant. Je